Sous pression depuis plusieurs semaines, notamment en raison de la crise sanitaire, marqués par une volatilité accrue, les marchés actions parviennent malgré tout à résister. Si l’indice suisse SPI a perdu près de 3% depuis le début de l’année, l’indice mondial MSCI World n’affiche cependant qu’un très léger recul. Et le S&P 500 américain présente un gain de plus de 4%. Rien d’un désastre boursier.
Les marchés ont connu une reprise en V, très rapide, après leur chute libre en mars dernier, en plein choc de la pandémie de la Covid-19 grâce aux mesures de sauvetage sans précédent des banques centrales, dont la Réserve fédérale américaine, et des pouvoirs publics sous la forme de stimulus fiscal, d’aides et de prêts garantis. Les liquidités affluent dans un monde à taux zéro dont on prédit d’ailleurs la poursuite.
Les caractéristiques spécifiques actuelles
«Au lieu d’un resserrement des crédits, un capital record est disponible. C’est une grande différence par rapport aux crises précédentes de 1990-1991, 2001-2002 et 2008-2009», écrit dans son dernier mémo d’octobre l’investisseur américain Howard Marks, cofondateur de la société Oaktree Capital.
Il n’y a pas eu d’implosions spectaculaires, ni de ventes panique, contrairement aux épisodes précédents, même si un paroxysme de volatilité semblable à celui de la crise financière 2008-2009 a eu lieu. Le pessimisme a ainsi été vite remplacé par l’anticipation de temps meilleurs. Les investisseurs ne rechignent pas à prendre des risques pour générer des revenus en raison de la politique des taux zéro; les prix des actifs se sont alors redressés rapidement, sauf pour des entreprises problématiques ou extrêmement cycliques.
Les signes précédents
S’il y a bel et bien une récession mondiale en 2020, on n’assiste pas cette fois-ci à une raréfaction des crédits, qui avait provoqué une forte augmentation des défauts de paiement et des cas d’insolvabilité lors des crises antérieures. Les cours des actifs avaient aussi lourdement chuté sous l’emprise des ventes d’investisseurs guidés par la peur. Il avait fallu du temps pour qu’ils remontent. Une forte aversion au risque s’était alors produite. Cette situation avait créé des prix attractifs en Bourse durant une période relativement longue correspondant à celles de la baisse et stagnation. Ce qui n’est pas le cas à présent, la fenêtre d’opportunités n’ayant été ouverte que peu de temps.
«Nous avons cette fois affaire avec une crise inédite: elle n’est pas marquée par une cause financière exogène et ne se caractérise pas par des pertes durables pour la plupart des investisseurs. A la différence d’une crise normale, il n’existe pas une myriade d’opportunités pour des chasseurs de bonnes affaires», poursuit Howard Marks.
«Les taux zéro ont encouragé les investisseurs à payer encore plus cher pour les sociétés de croissance. Les confinements causés par la pandémie ont augmenté l’écart entre les titres de croissance, spécialement les grandes entreprises technologiques aux Etats-Unis, et les titres de valeur», observe pour sa part Charles de Vaulx, cocréateur de la société International Value Advisers et gérant des fonds IVA. Ceux-ci sont représentés en Suisse par la société Demeter Finances à Genève.
A ce sujet, il est intéressant d’observer qu’Apple, Microsoft, Amazon, Facebook, Alphabet (Google) c’est-à-dire les GAFA, ainsi que Johnson & Johnson (pharma et medtech), Nestlé (agroalimentaire), Procter & Gamble (produits de soins et pour ménages) et Visa (moyens de paiement) constituent les dix membres les plus importants de l’indice MSCI Monde. Toutes ces sociétés paraissent aujourd’hui hautement valorisées par le marché boursier, donc très chères.
Encore des opportunités
Georg von Wyss, partenaire de la firme BWM ainsi que gérant des fonds Classic Global Equity et Classic Value Equity Fund, parle même d’euphorie s’agissant de valeurs comme Apple ou Tesla. «On peut toujours davantage lire ou entendre que les critères d’évaluation habituels ne jouent plus aucun rôle. Ce sont les signes clairs de dangereuses exagérations», avertit-il. Toutefois, il voit encore quelques opportunités, en particulier la société américaine de conseil fiscal H&R Block, l’entreprise finlandaise de production d’énergie sur terre et sur mer Wärtsilä ou l’opérateur français de satellites Eutelsat.
Pour Thomas Braun et Erich Müller, cofondateurs de la firme B_M et gérants du fonds B&M Leveraged Equity Fund, «le krach de mars dernier a permis d’acquérir des actions de qualité à des prix attractifs, qui ont été encore étoffées au second trimestre». Y figurent notamment Roche (pharma), Sonova (medtech), Geberit (technique sanitaire), Schindler (ascenseurs et escaliers mécaniques), LVMH (luxe), Swatch Group (horlogerie) et Novartis (pharma).