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L’utile distinction entre risques plutôt spécifiques et systémiques

Le marché action résiste actuellement fort bien aux incertitudes européennes et américaines. Signe que le risque systémique semble écarté. Par Nannette Hechler-Fayd’herbe

Nannette Hechler-Fayd'herbe
Lombard Odier - Responsable Stratégie d’investissement, recherche et durabilité, CIO EMEA
06 mai 2013, 22h21
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Ces dernières semaines, sur les marchés financiers, il a semblé que rien ne pouvait vraiment entamer la confiance résolue et plutôt optimiste des investisseurs. En Europe, après quelques ventes initiales d’obligations et actions italiennes, les effets des élections italiennes de février dernier se sont rapidement estompés. Le plan de sauvetage de Chypre n’a pas non plus provoqué de difficultés durables. Aux Etats-Unis, le débat sur la «séquestration» et le plafond de la dette se poursuit, mais il n’a plus la même signification que dans la course aux élections américaines. En Asie, les tensions autour de la Corée du Nord et les inquiétudes au sujet d’une nouvelle pandémie n’ont pas perturbé les marchés, actuellement plus absorbés par l’impact de la politique d’expansion monétaire du Japon. Les marchés des actions ont donc plutôt bien résisté. Après avoir atteint des niveaux historiques aux Etats-Unis, ils n’ont connu qu’une légère correction. En Suisse, les actions restent à environ +15% à ce jour.

Les investisseurs et les marchés financiers feraient-ils preuve de complaisance en se montrant aussi optimistes? Probablement pas. Leur comportement reflète une amélioration générale de la santé financière et systémique. Les risques spécifiques ont toujours existé sur les marchés financiers et ils continueront d’exister. Bien entendu, ils préoccupent les investisseurs directement exposés, mais ils ne menacent l’ensemble de la communauté des investisseurs que lorsqu’ils entraînent des réactions en chaîne difficiles à maîtriser. Ce phénomène est plus susceptible de se produire dans une situation de liquidités restreintes, ce qui ne semble pas le cas actuellement, bien au contraire. En outre, les données économiques évoluent globalement comme prévu.

Distinguer les risques systémiques des risques spécifiques

A l’origine des risques systémiques, il y a presque toujours des événements spécifiques qui se transforment en événements systémiques à la suite de circonstances particulières provoquant des réactions en chaîne difficiles à maîtriser. Les montants financiers en jeu constituent généralement le premier des facteurs déterminants. Les grands pays, les grands établissements financiers ou les grandes entreprises sont plus susceptibles d’être à l’origine d’un risque systémique que les plus petits. Le deuxième élément caractérisant un événement systémique est souvent son impact global, par opposition à un impact limité au niveau local. En dernier lieu, une forte connectivité et un manque de liquidités sont à la base du mécanisme transformant un événement spécifique en événement systémique. Comme les banques, en tant que fournisseurs de liquidités financières, jouent le rôle de connecteur au sein des économies et entre les économies, leur santé et leur comportement est souvent le facteur qui déterminera si des événements resteront confinés et spécifiques ou si au contraire, ils se répandront plus largement.

Des indicateurs utiles

Pour faire la différence entre la nature systémique et la nature spécifique des risques, les indicateurs suivants peuvent s’avérer utiles. Lorsque le risque systémique est élevé, il existe une forte corrélation entre les actifs. La volatilité du marché augmente brusquement. Et lorsqu’en parallèle, les taux d’intérêt interbancaires grimpent en flèche (comparé à ceux des bons du trésor public par exemple) en raison d’un niveau de liquidités trop faible dans le secteur bancaire et de l’effondrement de l’activité de prêt interbancaire, il y a tout lieu de penser que nous sommes en présence de risques systémiques élevés.

A l’heure actuelle, le niveau de corrélation entre les actifs est faible. En ce qui concerne les actions, les performances régionales et sectorielles sont très disparates. A titre d’exemple, les actions américaines ont affiché d’excellentes performances alors que les actions européennes et les actions des marchés émergents ont été décevantes. Les actions défensives ont largement surperformé les actions cycliques. Parmi les actifs considérés comme étant «sûrs», l’or est en baisse alors que les obligations d’Etat de référence, telles que les bons du Trésor américains et les emprunts d’Etat allemands, ont bien tenu. Ces faibles corrélations ont tendance à réduire les fluctuations de la volatilité. Et le marché interbancaire ne présente aucun signe de stress. Par conséquent, tout indique que nous sommes dans un environnement de risques spécifiques et non de risques systémiques.

Implications pour les investisseurs

Dans un contexte de risques systémiques élevés, on ne différencie généralement pas les risques. Les investisseurs évitent généralement toute forme de risque et se replient vers les valeurs refuge, qui traditionnellement se résument aux liquidités, à l’or et aux obligations d’Etat de référence. Tous les autres actifs souffrent. Dans un tel contexte, il est conseillé de réduire les risques. Dans un contexte de risques spécifiques tel que celui que nous connaissons actuellement, les risques sont en revanche nettement différenciés. Certains actifs subissent des pertes alors que d’autres enregistrent d’excellentes performances et la propension générale au risque varie de neutre à élevée. Un tel environnement favorise l’adoption par les investisseurs d’une stratégie de sélection d’obligations et d’actions («stock/bond-picking»). Des surpondérations et des sous-pondérations régionales et sectorielles plus accentuées dans les portefeuilles ainsi que des stratégies long-short s’avèrent généralement fructueuses. C’est un contexte dans lequel les analystes et les experts financiers peuvent réellement aider les investisseurs à implémenter des stratégies d’investissement différentiées.