Le moins que l’on puisse dire est que la classe d’actif obligataire s’anime.
Certes, elle soulève plutôt l’inquiétude que l’enthousiasme, mais elle tient enfin les investisseurs en haleine. L’inflation et les réponses des banques centrales ont plongé les indices obligataires profondément dans le «rouge», une couleur qui attire l’attention. À titre d’illustration, la performance de l’indice Global Aggregate de Bloomberg, combinant les dettes publiques et d’entreprises, a chuté de 11% par rapport à son sommet de janvier 2021. La baisse dépasse celle de 10,8% observée lors de la crise financière de 2008. En termes de valeur de marché, cela équivaut à une perte d’environ 2600 milliards de dollars, contre celle de 2000 milliards de dollars observée en 2008.
Contraste avec des années de gains
Le revers est brutal pour les investisseurs puisqu’il contraste avec des années de gains successifs alimentés par des banques centrales accommodantes. L’actuelle flambée inflationniste crée en outre des incertitudes quant à la capacité de l’économie mondiale à affronter une hausse des rendements sur une période prolongée. Un tel contexte ne favorise ni l’exposition aux dettes d’entreprises ni à celles des souverains qui, bien que considérées plus sûres d’un point de vue qualité de crédit, sont loin d’être immunisées contre le risque de duration.
La courbe des rendements des bons du Trésor américain montre très bien que le statut d’actif sans risque ne constitue qu’un gage de protection partielle. En effet, entre la fin de l’année dernière et ce 23 mars, les tensions haussières sur la courbe américaine se sont traduites par des pertes de 2,1% sur les maturités à 2 ans, de 6,9% sur celles à 10 ans et de 13,4% sur celles à 30 ans.
Ce regain d’animation du marché obligataire est bien sûr l’œuvre des banques centrales.
Après avoir relevé ses taux d’intérêt de 25 points de base la semaine dernière, la Fed s’est dite, cette semaine, prête à les resserrer de 50 points de base lors de la prochaine réunion si nécessaire. S’il est très improbable de tracer une trajectoire exacte de l’évolution des taux d’intérêts et des rendements d’ici la fin 2022, une chose est certaine: les vents contraires ne sont pas prêts de s’apaiser et les investisseurs obligataires devront rester sur le qui-vive.
Risque de stagflation
L’envolée des prix des matières premières complique encore les perspectives d’un marché obligataire déjà fragilisé par le rythme de hausse d’inflation le plus rapide depuis des décennies. Pour pimenter le tout, le marché n’exclut pas un risque de stagflation en cas de normalisation trop agressive des politiques monétaires, un scénario qui serait défavorable aux obligations d’entreprises, car un ralentissement économique accentuerait le risque de crédit.
En résumé, les sources «d’animation» ne manquent pas et la classe d’actif obligataire fournit son lot d’émotions. L’effondrement actuel pourrait rappeler le cycle de resserrement de la Fed en 2018. L’indice Global Aggregate n’avait alors perdu que 1,2% cette année-là. Tout espoir n’est donc pas perdu, mais comme il est souvent dit dans les marchés: la situation peut encore empirer avant qu’elle ne s’améliore.