Le Sri Lanka s’apprête à interrompre une brillante trajectoire de plus de 20 ans durant laquelle aucun pays asiatique n’a fait défaut. Le pays a annoncé, le 12 avril, qu’il suspendait le service de sa dette étrangère et demandait le soutien du FMI. La course en avant est donc arrivée à terme. A sa source, l’on trouve autant de circonstances exogènes que d’erreurs politiques.
Selon certains analystes, son origine remonte à 1997 lorsque le Sri Lanka, fort d’une amélioration socio-économique, est passé de pays à «faible revenu» à «revenu moyen», lui fermant ainsi les portes de financement bon marché des organisations multinationales. Le pays est alors entré sur le marché de la dette internationale et la part de ses obligations étrangères est passée de 16% en 2012 à 41% en 2021! Le gouvernement népotique a également commis des erreurs qu’il commence à admettre. Parmi celles-ci des emprunts massifs auprès de la Chine pour financer d’ambitieux projets d’infrastructure, projetant le levier à des niveaux peu soutenables. En parallèle, les impôts ont été fortement baissés juste avant que la pandémie ne réduise à néant les revenus liés au tourisme et aux transferts de fonds des nationaux de l’étranger (remittances).
La flambée de l’inflation étrangle la population, celle des denrées alimentaires a atteint 30% en mars
Catherine Reichlin
Le Sri Lanka a choisi de défendre le peg qu’il avait fixé contre le dollar en avril 2021 au niveau peu réaliste de 200-203 LKR. La roupie a finalement été dévaluée de 15% le 8 mars et a dévissé de 50% depuis. La hausse de 700 points de base du taux de référence un mois plus tard n’y a rien changé. Cette politique a été onéreuse et les réserves de changes ont fondu pour atteindre 1,9 milliards de dollars à fin mars – soit un niveau inférieur aux besoins mensuels en importations de nourriture et de matières premières.
La flambée de l’inflation étrangle la population, celle des denrées alimentaires a atteint 30% en mars et les coupures de courant durent plus de 12 heures par jour! Alors, lorsqu’il a fallu choisir, sur fonds de manifestations, entre importations et suspension du service de la dette avec demande d’aide au FMI, la balance a enfin penché. La Chine et l’Inde envoient nourriture, carburants et aide d’urgence mais la situation n’est pas tenable.
Le début d’autre chose
Le Sri Lanka illustre tristement l’effet ciseau: augmentation des charges, effondrement des revenus... et tout cela en monnaie étrangère. Le pays va probablement être en défaut le 18 mai à moins que le FMI ne soit son chevalier blanc? Les chances sont minces car trop d’étapes restent à franchir comme des accords avec les créanciers, des réformes profondes et des questions sur la légitimité du gouvernement actuel. Le 18 mai devrait marquer la fin de quelque chose mais le début d’autre chose: la restructuration d’une dette complexe détenue par de multiples créanciers et dont toutes les conditions, notamment celles des prêts bilatéraux avec la Chine, ne sont pas encore connues. L’histoire ne fait que commencer.