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Le mirage des cours du bitcoin

Le bitcoin paraît vouloir aller toujours plus haut. Mais mérite-t-il d’entrer dans les portefeuilles? L’engouement semble davantage relever de l’effet de mode que d’une reconnaissance de sa viabilité à long terme.

Jack Janasiewicz
Natixis - CFA, gérant et stratège, Porfolio Research and Consulting Group
19 mars 2021, 7h20
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Il est excessivement difficile de valoriser un actif tel que le bitcoin qui repose entièrement et uniquement sur la confiance des investisseurs. D’autres actifs tels que les actions et les obligations dépendent également de cette dernière, mais leur valorisation est déterminée à partir de modèles rationnels et d’éléments concrets tels que les bénéfices et les flux de revenus, qui font totalement défaut dans le cas du bitcoin.

Le bitcoin représente en apparence une réserve de valeur. Cependant, sa trajectoire a été remarquablement unidirectionnelle ces derniers temps, toujours vers le haut. Ne serions-nous donc pas en train de confondre réserve de valeur et forte appréciation? De plus, cette idée du bitcoin en tant que réserve de valeur résiste difficilement si l’on tient compte de sa volatilité. 

En général, les actifs de réserve ne présentent pas des oscillations de cours extrêmes en l’espace de quelques heures ou de quelques jours. La volatilité peut certes être considérée comme un facteur de diversification des portefeuilles, mais est-ce encore le cas lorsqu’elle résulte uniquement de la spéculation?

Une alternative au dollar

Il est souvent question de l’effondrement du dollar: miné par l’ampleur des dépenses de l’Etat et la croissance galopante des déficits, il pourrait perdre toute valeur. Le bitcoin, totalement indépendant de l’Etat et limité dans son offre, serait donc une alternative au dollar. 

C’est possible. Mais si l’on ne croit ni au scénario de l’effondrement du billet vert ni à celui de son affaiblissement et que l’on considère qu’il est tellement enraciné dans les transactions quotidiennes au niveau du commerce international qu’il faudrait des décennies pour le détrôner, l’argument en faveur du bitcoin paraît difficilement acceptable.

Le bitcoin permettrait de mieux protéger la sphère privée. C’est possible. Mais il ne faut pas négliger le fait que plus les cryptomonnaies seront couramment utilisées, plus elles seront surveillées et plus les chances qu’elles soient soumises à une réglementation seront grandes. De plus, il est évident que cette monnaie se trouve encore à des années-lumière de la carte de crédit du point de vue des possibilités qu’elle offre. 

Certaines grandes entreprises acceptent désormais les transactions en cryptomonnaies et certains acteurs institutionnels de la gestion d’actifs s’y intéressent. Son utilisation généralisée n’est peut-être qu’une question de temps. Mais tant que le bitcoin ne me permettra pas d’acheter ma boisson préférée au kiosque du coin, je resterai sceptique quant à son utilité réelle. 

La faiblesse de la corrélation du bitcoin avec les actions et les obligations plaide en faveur de la thèse de la diversification. Mais n’est-il pas un peu tôt pour tirer des conclusions? Le bitcoin s’est retrouvé sur le devant de la scène durant une période sans inflation. De plus, pour savoir quelle est sa capacité à diversifier en période difficile, il suffit d’examiner son comportement en février et mars dernier. Les ventes massives provoquées par la pandémie sont sans doute extrêmes, mais elles illustrent bien le fait que cette monnaie expose davantage au risque qu’elle ne protège. En période de crise, rien ne vaut le cash: ni l’or ni le bitcoin n’échappent à cette règle.

Effet de mode

L’engouement pour le bitcoin semble davantage relever de l’effet de mode que d’une reconnaissance de sa viabilité à long terme. 

Ce qui ne change jamais en revanche, c’est l’influence des cours sur le sentiment des investisseurs. La frénésie autour de GameStop l’a bien montré: l’appétit pour le risque croît en fonction des hausses de cours. Et malgré la prolifération de prophètes de la devise numérique, il est révélateur de constater combien l’intérêt du public pour cet objet aussi incertain et révolutionnaire semble déterminé avant tout par son cours.