Gianni Pugliese
Mirabaud - Analyste obligataire
13 octobre 2020, 22h16
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Depuis fin septembre, le marché obligataire américain s’anime. Les rendements des emprunts de maturités longues grimpent et la pente de la courbe souveraine est au plus raide depuis fin 2016. Le mouvement résulte de la confiance croissante en la poursuite du rebond économique ainsi qu’en l’accélération de l’inflation. Il intègre également les chances de victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle, la potentielle prise de contrôle du congrès par le parti démocrate et donc des dépenses futures de taille.
En termes d’impact, le 5 septembre, le rendement du T-bond de maturité 30 ans a franchi le niveau important de 1,57%, et par là-même occasion sa moyenne mobile à 200 jours. Il s’est ensuite élevé au-dessus de 1,60% à deux reprises. Pour rappel, il avait chuté à 0,9953% le 9 mars dernier. Cette hausse de 60 points de base (pb) génère une perte conséquente de 11,8% sur la période.
Les plus pessimistes craignent que la prochaine étape consiste à aller tester les 1,75% atteints en juin dernier. Ils partent du principe que même en cas de progression modeste de la croissance, l’offre massive à venir de bons du Trésor pèsera sur le marché. C’est pourquoi ils anticipent des rendements longs plus hauts – bien plus sensibles aux potentielles – et une courbe souveraine plus pentue entre les segments 5 ans et 30 ans. L’écart actuel est de 125pb. Il pourrait s’accentuer jusqu’à 150pb, considérant que la politique monétaire de la Fed est supposée maintenir une certaine stabilité du rendement à 5 ans.
En règle générale, les rendements varient lorsque les attentes de perspectives économiques, d’offre et de demande de titres et de politique monétaire changent. Lors de cette décennie, le marché obligataire américain a réagi positivement en périodes de crises et de ralentissements économiques.
A l’inverse, les deux plus fortes baisses des cours des bons du Trésor ont été enregistrées suite à des changements d’anticipations au niveau de l’offre et de la demande.
Le risque d’une deuxième vague de la pandémie
La première s’est produite en 2013, avec l’épisode du «taper tantrum». Le marché avait alors interprété l’interruption du QE de la Fed, comme annonciateur d’une hausse imminente des taux directeurs. La seconde est intervenue suite à l’élection de Donald Trump en 2016. Les réductions d’impôts et les mesures de relance budgétaire avaient alors persuadé les investisseurs que le Trésor émettrait plus d’emprunts et que les perspectives de croissance augmenteraient les probabilités de hausse des taux directeurs.
Dans le contexte actuel, les changements de perspective conjoncturelle et d’inflation resteront probablement le principal moteur de variations des rendements. Depuis le mois de mai, les plus fortes réactions du marché ont été provoquées par les publications des statistiques sur l’emploi.
Ce dernier point est important car, à court terme, il pourrait freiner la tendance haussière des rendements longs. En effet, une seconde vague du virus impliquant de nouvelles restrictions compromettrait le rythme de reprise économique et affaiblirait le marché de l’emploi. Une baisse des rendements longs deviendrait alors tout à fait envisageable.
*Analyste Obligations chez Mirabaud & Cie