Le Chili est le premier Etat à avoir émis une obligation liée au développement durable (SLB). Une étape significative pour ce marché en croissance exponentielle. Le Chili n’est toutefois pas un néophyte de l’ESG: depuis juin 2019, le pays a émis 16 emprunts verts, sociaux ou encore durables contre une seule obligation conventionnelle. Il a même créé un bureau « Finance Verte » au sein du ministère des Finances.
Frappé par une sécheresse sans précédent depuis près d’une décennie, le pays s’est engagé sur la voie de la transition environnementale afin, entre autres, de ne plus dépendre autant du charbon. L’engagement du Chili se constate notamment à travers ces 16 emprunts ESG tous liés à des projets verts ou sociaux. Ces formats obligataires impliquent en effet des projets concrets. Et quand ces actifs éligibles viennent à manquer, il reste le format des SLB. Ici pas de projet spécifique mais des objectifs globaux qui, s’ils ne sont pas atteints, forcent l’émetteur à augmenter le coupon de l’obligation.
L’innovation a payé
Dans le cas du Chili, deux objectifs ont été fixés: réduction des émissions de gaz à effet de serre et augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production électrique. Ces objectifs ont été, respectivement, qualifiés par Sustainalytics, d’ambitieux et de hautement ambitieux. En 2021, les énergies renouvelables comptaient par exemple pour 27% de l’électricité produite, l’objectif 2032 est de 60%. Une «prime» de 0,125% par objectif est offerte aux investisseurs en cas d’échec. L’innovation a payé et les carnets d’ordres ont atteint 8 milliards de dollars pour un emprunt de 2 milliards de dollars, cela a permis au Chili de resserrer les conditions d’emprunt de 240 points de base à 200 points de base: une économie de 8 millions de dollars par année, soit une économie totale substantielle de 160 millions de dollars! Selon le pays, le «greenium» (prime verte) était de 10 points de base, autrement dit si le pays avait émis une obligation conventionnelle, elle lui aurait coûté 10 points de base de plus par année. Et ce pour une qualité de crédit identique.
Vérification des KPIs
Fort de ce succès, le Chili devrait prochainement émettre un SLB, en euros cette fois. Il ambitionne également d’ajouter des KPI (Key Performance Indicators) sociaux. Et pour ce faire, il lui faudra trouver des indicateurs spécifiques et surtout mesurables avec un historique suffisant. Car si la force des SLB est leur cadre général, leur faiblesse repose sur la robustesse et la vérification des KPIs. Une faiblesse qui pourrait mettre à mal la réputation de ce marché en plein boom. L’expérience du Chili, mais également des sociétés pionnières sur ce marché, ouvrent la voie à de nouvelles possibilités de nourrir des investisseurs affamés qui cherchent à cocher des cases ou à se donner bonne conscience.
L’essai sera réellement transformé lorsque les premières échéances d’observation de KPI arriveront et que la robustesse de tout le processus pourra être démontré dans la pratique. D’ici là, les vagues sont porteuses et assurent encore de beaux jours aux émetteurs tout comme aux investisseurs.