• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

La finance suisse se met au vert: un big bang à deux vitesses?

Certaines banques avec des succursales ou des clients dans l’UE devront respecter à la fois les directives suisses et la réglementation européenne, quand d’autres n’auront à s’aligner que sur les règles suisses.

Les banques suisses membres de l’ASB doivent désormais demander à tout nouveau client ses préférences ESG et ce dès la mise en relation. Concrètement, un client peut par exemple exprimer un intérêt pour l’environnement et se voir proposer des solutions de placement visant les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique.
KEYSTONE
Les banques suisses membres de l’ASB doivent désormais demander à tout nouveau client ses préférences ESG et ce dès la mise en relation. Concrètement, un client peut par exemple exprimer un intérêt pour l’environnement et se voir proposer des solutions de placement visant les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique.
Nicolas Mougeot
Indosuez Wealth Management - Head of Investment Strategy & Sustainability
18 janvier 2024, 19h00
Partager

Depuis le 1er janvier 2024, les banques suisses membres de l’Association suisse des banques (ASB) doivent appliquer de nouvelles directives encadrant la finance durable. Celles-ci introduisent des règles contraignantes vis-à-vis du conseil en placement, de la gestion de fortune et du conseil hypothécaire. Il s’agit principalement d’intégrer dans la relation les préférences ESG (environnement, social et gouvernance) des clients tout en assurant une transparence des facteurs ESG des banques. Qu’est-ce que cela change de part et d’autre?

Tout d’abord, la banque doit désormais demander à tout nouveau client ses préférences ESG et ce dès la mise en relation. Les clients doivent donc exprimer leur intérêt pour la finance durable, l’échelle d’intérêt étant propre à chaque établissement («très intéressé», «intéressé» ou «neutre» par exemple). La banque doit ensuite s’assurer que les solutions de placement proposées correspondent. Concrètement, un client peut par exemple exprimer un intérêt pour l’environnement et se voir proposer des solutions de placement visant les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique. Toutefois, l’ASB stipule bien que ces préférences ESG sont secondaires par rapport aux objectifs de placement: en effet, les banques doivent continuer de prendre en compte les critères financiers du client tels que ses besoins de liquidités, son appétence au risque ou encore son horizon d’investissement.

Ces règles sont-elles différentes de celles de l’Union européenne?

L’Union européenne (UE) a émis un certain nombre de réglementations afin d’encadrer la finance durable (SFDR pour les produits et services et MIFID II pour les relations banques-clients). Bon nombre de banques vont donc devoir jongler entre les directives de l’ASB et les réglementations de l’UE déjà en vigueur. Or, bien que les approches suisses et européennes aient toutes deux pour objectif de bannir l’écoblanchiment, les directives de l’ASB traduisent l’esprit de consensus et de pragmatisme de la Suisse là où l’Union européenne a dès le départ émis des règles très strictes. A titre d’exemple, l’UE a introduit le concept d’investissement durable par le biais de MIFID II qui se caractérise à la fois par des critères ESG, par l’absence de controverses majeures et par l’alignement sur la taxonomie européenne qui classifie les activités économiques selon leur impact environnemental. De son côté, la directive de l’ASB reste plus vague en n’utilisant que le concept de critères ESG.

Ainsi, la finance durable en Suisse est principalement encadrée par des directives de l’ASB et de l’Amas (Association des gérants d’actifs suisses) qui contraignent les membres de ces associations mais n’ont pas force de loi. Il est donc probable que le Conseil fédéral prenne le temps d’observer l’impact de ces directives avant de légiférer et de potentiellement intégrer des notions provenant de l’UE tels que les concepts d’investissement durable ou de taxonomie, pour assurer une certaine convergence.

Un big bang à deux vitesses?

Ces nouvelles directives ESG risquent néanmoins de créer un système à deux vitesses. En effet, certaines banques avec des succursales ou des clients basés dans l’UE devront respecter à la fois les directives suisses et la réglementation européenne, quand d’autres, sans lien avec l’UE, n’auront à s’aligner que sur les règles suisses.

De plus, la mise en place de ces nouvelles règles nécessitera des efforts non négligeables de la part des acteurs concernés. Tout d’abord, les banques devront se donner les moyens d’assurer les développements informatiques nécessaires afin notamment de faire correspondre leur offre en finance durable avec les préférences ESG de leurs clients. Les collaborateurs devront aussi être formés pour comprendre les nouvelles réglementations ESG et les enjeux de la finance durable. Là encore, l’écart risque de se creuser entre petites et grandes banques. Durant cette période d’adaptation et d’apprentissage, on peut par ailleurs s’attendre à ce que les banques adoptent des approches ESG plus ou moins restrictives, selon leur implantation, leurs moyens et leurs valeurs.

Enfin, quoi qu’il en soit, l’instauration de ces directives ESG reste une bonne nouvelle puisqu’elle place la finance durable au cœur de la relation banque-client dès le départ. Rendez-vous dans deux ou trois ans pour un premier bilan!