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La crise politique française peut-elle se métamorphoser en crise financière européenne?

La dissolution de l'Assemblée nationale rebat les cartes puisque parmi les trois blocs, le seul tenant un discours de raison budgétaire est celui qui vient d’être désavoué électoralement.

La question serait de savoir si la France sera en mesure de trouver un nouveau deal avec Bruxelles ou si un bras de fer s’amorce.
Keystone
La question serait de savoir si la France sera en mesure de trouver un nouveau deal avec Bruxelles ou si un bras de fer s’amorce.
Benjamin Melman
Edmond de Rothschild Asset Management - Global CIO
20 juin 2024, 19h30
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Avant la dissolution de l’Assemblée nationale, la France se situait dans un contexte budgétaire extrêmement difficile. Affichant en 2023 le plus lourd déficit public primaire de la zone euro, le gouvernement français était à la recherche de 20 milliards de nouvelles coupes pour 2025 afin d’éviter la «procédure de déficit excessif» de la Commission européenne. Pour autant, la France continuait de jouir de la pleine confiance des investisseurs. Le retard qu’elle enregistrait dans la réduction de son déficit devenait donc inquiétant mais pas insurmontable.

Le déficit public en question

La dissolution rebat les cartes puisque parmi les trois blocs, le seul tenant un discours de raison budgétaire est celui qui vient d’être désavoué électoralement, les deux autres affichant des programmes économiques creusant plus ou moins fortement les déficits publics.

Deux scénarii émergent: une absence de majorité parlementaire conduisant à la nomination d’un gouvernement technique (et de nouvelles élections un an plus tard) ou bien une majorité pour le Rassemblement national (RN). La France s’apprête donc à tourner temporairement le dos aux réformes structurelles et à la réduction du déficit, et n’échappera pas à la procédure de Bruxelles cet été.

Toutefois, rien n’indique que la recomposition de la vie politique en cours sera figée après les élections. Il y a un troisième scénario supposant, dans le cadre d’une absence de majorité, la poursuite de la recomposition politique après les élections et une possible alliance entre différentes sensibilités dites «de gouvernement» permettant de dégager une nouvelle majorité avec un programme économique plus cohérent.

Quelle serait la capacité d’intervention de la BCE en cas de crise?

L’écartement du spread OAT-Bund depuis l’élection reste marginal. Il faudrait un mouvement bien plus substantiel pour que la question d’un éventuel soutien de la Banque centrale européenne (BCE) dans le cadre du TPI se pose. Le fait que la France puisse être sous procédure européenne serait un obstacle pour la BCE, pour autant non rédhibitoire. La banque centrale prend en compte le contexte politique allemand, où la coalition au pouvoir a également réalisé un piètre score, et dont la droite est menacée par l’AFD qui songe organiser, en cas de victoire, un référendum sur le Dexit en 2025. Les marges de manœuvre de la BCE existent mais ne sont donc pas à surestimer.

Réduction du risque et retour à la neutralité

Il serait hasardeux de prédire à ce stade une crise financière française et européenne. Une prime de risque européenne est en cours de constitution depuis une semaine. Si le prochain gouvernement français poursuit un programme de relance, il connaîtra sans doute les mêmes secousses que celui de Liz Truss au Royaume-Uni. S’il met simplement entre parenthèses la réduction des déficits publics, une crise n’est pas certaine mais risque d’entretenir des spreads souverains qui évolueront nerveusement en fonction de la réponse des autorités européennes et des agences de ratings.

La question en effet serait de savoir si la France sera en mesure de trouver un nouveau deal avec Bruxelles ou si un bras de fer s’amorce. Si en revanche une majorité émerge permettant à la France de poursuivre ses engagements européens, la prime de risque européenne se dégonflera en grande partie.