Jusqu’à l’invasion de l’Ukraine, les engrais n’étaient pas un sujet de préoccupation majeure. Cependant, depuis la flambée soudaine de leurs prix, l’attention s’est brusquement focalisée sur ces intrants essentiels à la production alimentaire. En effet, c’est grâce aux engrais que près de la moitié de la population mondiale peut se nourrir.
Trois nutriments principaux sont indispensables à la croissance et à la santé des cultures : l’azote, le phosphate et la potasse, l’azote étant le plus important. Le processus Haber-Bosch permettant la production industrielle d’ammoniac, a “sauvé « le monde, au début du 20ème siècle, en fournissant des engrais azotés en grande quantité. Les engrais azotés à base d’ammoniac sont appliqués sous forme d’urée et de nitrates. La matière première la plus utilisée pour la production d’ammoniac est le gaz naturel, mais l’urée peut également être produite à grande échelle à base de charbon, comme en Chine.
Les principaux producteurs d’engrais azotés sont les pays disposant de réserves de gaz naturel, dont les États-Unis, le Nigéria, l’Afrique du Nord, le Golfe Persique, l’Asie du Sud-Est et la RUSSIE.
La Russie joue un double rôle : d'une part, elle approvisionnait en gaz naturel l'industrie européenne de l'azote, et d'autre part, elle exportait ses engrais sur le marché mondial. Les sanctions imposées à la Russie ont entraîné des conséquences dramatiques : la réduction du gaz naturel pour l'Europe et la limitation des livraisons d'engrais, impactant fortement l'Afrique.
En raison des sanctions et du sabotage du gazoduc Nord Stream, l’industrie européenne de l’azote a perdu en compétitivité. La production a été partiellement suspendue, provoquant une hausse des prix des engrais et affectant gravement la demande agricole, et par conséquent, la production alimentaire. Cette situation a engendré une inflation alimentaire mondiale et a menacé l’Afrique et l’Asie du Sud de la famine.
Heureusement, l’Europe a bénéficié de deux hivers consécutifs doux, réduisant la consommation de gaz naturel à des fins de chauffage et diminuant la demande industrielle. Les stocks de gaz naturel ont ainsi pu être reconstitués grâce au gaz naturel liquéfié (GNL) transporté par voie maritime depuis le Qatar, les États-Unis, l’Égypte et la Russie. En raison des réserves et d’une diminution de la demande, les prix ont baissé. Cette baisse a permis à l’industrie européenne de l’azote de relancer sa production.
Cependant, le marché du GNL restera sous tension jusqu’en 2025, quand de nouvelles techniques seront opérationnelles. Il n’est pas certain que le prochain hiver soit à nouveau aussi doux. Un hiver plus froid ferait croître la demande de gaz naturel pour le chauffage que le GNL ne pourrait pas satisfaire seul. La production d’engrais azotés en Europe risquerait alors de redevenir difficile.
Ce contexte illustre l’étroite corrélation entre le gaz naturel, les engrais et la production alimentaire. Garantir un accès stable et compétitif au gaz naturel est dès lors crucial pour nourrir la population mondiale.