Les marchés font face à deux polémiques. La première tient au fait que les actions se sont envolées en 2020 alors même que le monde faisait à la crise sanitaire. La seconde s’est matérialisée ces derniers jours par l’envolée du prix de certaines actions, généralement celles des toutes petites capitalisations.
Ces deux phénomènes seraient des preuves que les investisseurs sont non seulement déconnectés du réel mais aussi irrationnels. On a d’un côté la souffrance de milliards d’individus et de l’autre des marchés qui s’enrichissent allègrement. On peut se demander si les investisseurs ont du cœur tant ils paraissent déconnectés?
Les investisseurs sont comme Don Rodrigue. Celui-ci dut choisir entre venger son père en défiant en duel Don Gomès ou y renoncer par amour de la fille de celui-ci, Chimène. C’était un choix entre le court-terme, laver l’honneur de son père, et le long-terme, son mariage avec Chimène. Or, le prix des actifs telles que les actions, doivent refléter sa capacité à engendrer des profits futurs.
Politiques accomodantes
Les investisseurs analysent donc la capacité des entreprises à générer des profits non pas uniquement en 2020 mais aussi pour les décennies à venir. Or, les politiques fiscales et monétaires n’ont jamais été aussi accommodantes. D’un côté, la plupart des gouvernements ont apporté une aide importante à de nombreux secteurs afin qu’ils puissent réduire l’impact de la pandémie sur leur activité. De l’autre, les banques centrales ont soutenu les marchés en baissant les taux d’intérêt et en fournissant une liquidité très importante.
Avec des taux de rendement des obligations au plus bas, les actions apparaissent toujours attractives malgré la hausse de leurs cours. Les secteurs qui ont le mieux marché sont ceux qui sont sortis gagnants de la crise tel que le secteur des Technologies car la pandémie a incité de nombreuses entreprises à accélérer leur transition numérique alors que les consommateurs se ruaient sur les ordinateurs et la vidéo à la demande.
L’affaire Gamestop
La hausse récente du prix de certaines petites capitalisations est un phénomène différent. Le prix de l’action Gamestop, pour n’en citer qu’une, est passé de 18 dollars début janvier à plus de 370 au moment où nous écrivons ces lignes. Cette hausse spectaculaire est due à un chat sur le site Reddit qui recommande à l’achat des actions ayant subi des spéculations à la baisse par un certain nombre de fonds. Sa popularité a incité de nombreux particuliers à spéculer sur ces actions obligeant des hedge funds, ou fonds speculatifs, à couper leurs paris à la baisse en rachetant ces mêmes titres.
C’est plus un phénomène de spéculation que d’investissement. La question de sa légalité se pose car les discussions sur Reddit pourraient être considérées comme de la manipulation de marché. D’autres y voient un nouveau David contre Goliath car ces «petits» traders ont fait perdre des centaines de millions de dollars à des fonds spéculatifs.
Alors, dissocions investissement à long-terme et spéculation à court-terme. Certes certains investisseurs manquent peut-être de cœur mais ils n’en deviennent pas plus irrationnels. La hausse globale des actions en 2020 peut s’expliquer par leur capacité à voir à long-terme et par le soutien de politiques fiscales et monétaires. Les spéculateurs se jouent du marché, mais pourrait être rattrapés par la SEC et créer une bulle que beaucoup pourraient regretter.