Coécrit avec Jan Schwalbe, rédacteur en chef de Finanz und Wirtschaft
2020 a été une année de chocs inhabituels pour les négociants en matières premières, les embarquant sur un chemin en forme de Grand Huit. Premièrement, la pandémie du Covid-19 les a frappés de plein fouet. Les restrictions sanitaires dans le monde entier ont déclenché une forte récession dans la plupart des pays, qu'ils soient développés ou en voie de développement.
En conséquence, les matières premières comme le pétrole et les métaux, fortement corrélés à l'activité mondiale, ont vu leurs prix chuter. Au même moment, la pandémie a créé des déficits de production sur certains marchés de matières premières agricoles, comme les huiles comestibles, ce qui a fait monter les prix de certains aliments.
Toutefois, contrairement aux précédentes récessions mondiales qui ont eu des effets durables, la plupart des marchés des matières premières se sont rapidement remis du choc des prix. La combinaison des réductions de l'offre par l'OPEP+ et du rebondissement plus rapide que prévu de l'économie chinoise a fait remonter le prix de la plupart des matières premières, dont beaucoup ont atteint leur niveau pré-pandémie.
Les secousses extérieures n'ont pas été les seules à affecter les négociants en matières premières. L'année dernière a également été marquée par des cas de fraude. Elles ont principalement eu lieu en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, mais la Suisse n'a pas été épargnée. Les banques suisses spécialisées dans le financement du négoce ont subi des pertes d'au moins un demi-milliard de francs suisses. Résultat, certains acteurs ont quitté le secteur. Néanmoins, l'année 2020 restera marquée par quelques développements positifs. Par exemple, le peuple suisse a voté contre l'initiative pour des entreprises responsables et a préféré le "contre-projet" conçu par le gouvernement qui tenait compte de la compétitivité internationale du hub suisse des matières premières. Ces futures dispositions légales permettront à l'industrie des matières premières d’aller de l'avant et à devenir plus durable. Ce vote a été un signe de confiance, non seulement envers l'industrie, mais aussi au-delà, et il a souligné le rôle important que les multinationales jouent pour l'économie locale.
Que nous réserve 2021 ? L'industrie fait son retour aux fondamentaux, comme le montre ce numéro spécial. Et il ne s'agit pas seulement de fournir à l'économie mondiale les ingrédients clés dont elle a besoin. L'industrie entame un nouveau cycle pour au moins deux raisons.
Une. Le monde entre dans une phase de croissance post-crise sanitaire car la pandémie est plus ou moins sous contrôle. Les vaccins vont également stimuler l'économie mondiale et l'aider à se redresser. L'industrie des matières premières en bénéficiera, car elle est au cœur de l'activité de production.
Deux. De nombreux pays profitent de la pandémie pour rendre leur économie plus verte. Les négociants en matières premières joueront un rôle clé dans la construction d'infrastructures et de véhicules électriques, ou dans la réalisation des objectifs fixés par l'accord de Paris sur le changement climatique. N'oublions pas qu'il faut aussi nourrir le monde de manière plus durable.
Combinées, ces deux raisons pourraient bien conduire à un nouveau "super cycle", c'est-à-dire une tendance séculaire poussant les prix des matières premières à la hausse au-delà du récent rebondissement. Cela se produirait parce que l'augmentation de la demande n'est que lentement satisfaite par une offre décalée. Quatre supers cycles de ce type se sont produits depuis 1900. Les deux premiers se sont produits après la première et la deuxième guerre mondiale, avec les reconstructions. Le troisième a eu lieu lors du choc pétrolier des années 70. Le dernier s'est produit avec l'industrialisation rapide de la Chine au début des années 2000. Dans ce nouveau super cycle potentiel, le prix du pétrole pourrait bien atteindre 100 dollars le baril, selon les experts, avant de plafonner car le monde va se tourner vers des sources d'énergie alternatives, moins gourmandes en CO2. Tout cela signifie que de nombreuses possibilités s'offrent au hub suisse des matières premières.
Une dernière transformation serait cependant encore nécessaire. L'inégalité des genres reste un problème, mais il pourrait y avoir une lueur au bout du tunnel. Certaines entreprises commencent à nommer des femmes à des postes de haut niveau. Elles pourraient à leur tour devenir des modèles et inciter d'autres femmes à envisager une carrière dans le monde des matières premières.