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L'avenir de la réglementation à la loupe teintée de vert

L'avenir de la réglementation à la loupe teintée de vert
Keystone
Lisa Weihser
STSA - Legal & Regulatory Affairs Officer
15 mars 2021, 0h01
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La durabilité, un thème récurrent

Contrairement aux idées reçues, le négoce des matières premières et son financement ne sont en aucun cas une industrie qui fonctionne dans un vide réglementaire. Il existe un large éventail de réglementations et d'initiatives internes (autorégulation) et externes qui imposent des exigences strictes pour la bonne exécution des différentes activités. Ces dernières années, le paysage réglementaire a été principalement influencé par un appel à plus de durabilité et de transparence tout au long de la chaîne de valeur, de l'approvisionnement, au stockage, à la transformation et au transport des matières premières jusqu'à leur livraison au consommateur final. Il s'agit d'un phénomène naturel, puisqu'une croissance rapide de la population humaine se traduit par une augmentation de la demande de ressources naturelles déjà limitées. Par conséquent, les objectifs de développement durable (ODD) 12 fixés en 2015 appellent à une transformation profonde des entreprises vers des modes de consommation et de production durables. Ce n'est que récemment, avec l'initiative pour des entreprises responsables en Suisse, que cette tendance s'est accélérée. L’agenda en matière de transparence et de durabilité est tout autant piloté par les législateurs et les régulateurs que par les consommateurs dont l'examen minutieux ajoute de nouveaux défis à la justification de la provenance d'un produit et à la traçabilité de son origine. Les initiatives innovantes en matière de traçabilité, construites autour d'un maillon de la Blockchain, ne présentent plus un simple avantage concurrentiel, mais font désormais partie intégrante de la gestion des risques des entreprises.

La capacité de la Blockchain à enregistrer de manière transparente des transactions complexes, à tenir un suivi des marchandises et à réduire les fraudes en fait un outil idéal pour l'industrie des matières premières, qui repose toujours sur un système de traçabilité papier archaïque. Dans le cas des matières premières agricoles, la durabilité est le plus souvent associée au partage de techniques agricoles ou de transformation optimisées et de nombreuses solutions de traçabilité ont déjà été mises au point. Celles-ci permettent aux entreprises d'évaluer de manière globale leur impact environnemental et social. Les entreprises de négoce ont pu travailler avec des organismes de certification, améliorant ainsi les conditions de vie des producteurs en leur permettant d'accéder à des marchés en croissance avec des marges plus élevées. En parallèle, les consommateurs sont désormais en mesure de suivre leurs grains de café en scannant directement le code QR figurant sur l'emballage. En ce qui concerne d'autres matières premières comme les métaux et les minéraux par exemple, il est plus difficile pour les consommateurs de savoir si un composant de leur téléphone ou de leur voiture a été produit dans le respect de l'environnement et des normes internationales pour un approvisionnement responsable établies par l'OCDE. Malgré cette difficulté, la tendance à l'approvisionnement responsable en provenance de zones sans conflit et de chaînes d'approvisionnement durables gagne du terrain (par ex. dans le règlement de l'UE sur les minéraux de zone de conflit, entré en vigueur en 2021).

Les attentes grandissantes en matière de conduite responsable des entreprises (RBC) se manifestent également dans le secteur financier, non seulement dans la gestion de patrimoine mais aussi dans le financement du négoce. Le rôle des banques dans la promotion d'un mode de comportement durable dans les chaînes d'approvisionnement globales a pris de l'ampleur après une série d'événements, tels que la crise financière de 2007-2008, l'introduction des principes de développement durable en 2015 (ODD), l'accord de Paris de 2016, le "Green Deal" européen de 2019 et plusieurs manifestations en faveur du climat en 2020. L'OCDE envisageant de créer un sous-comité chargé d'étudier le financement du négoce durable, les futures réglementations potentielles en matière de financement du négoce durable pourraient alors bientôt devenir une réalité. Au niveau de l'UE et suite au "Green Deal" européen, la Commission européenne a également l'intention de proposer une nouvelle stratégie de financement durable. Les banques pourront alors mesurer la performance de l'emprunteur par rapport à des objectifs de durabilité spécifiques (principes directeurs des Nations Unies, ODD) et faire dépendre les conditions de financement d'un certain nombre d'indicateurs de performance clés liés à des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Stabilité du système bancaire

Tirant les leçons de la crise financière, les réformes de Bâle III visent à renforcer les exigences de fonds propres et de liquidité afin d'améliorer la stabilité du système financier. Cela concerne les banques qui fournissent d'importants fonds de roulement nécessaires au fonctionnement des entreprises de négoce. Les progrès du groupe de travail national, qui travaille sur un projet de texte législatif, ont été retardés par la pandémie COVID-19. Ainsi, suite à une décision du Comité de Bâle de reporter la mise en œuvre finale de Bâle III, les nouvelles règles devraient entrer en vigueur le 1.1.2023. Une deuxième analyse d'impact qualitative devrait avoir lieu au deuxième trimestre 2021.

La transparence à la tête du changement

En Suisse, la tendance à la transparence gagne également du terrain, notamment avec le contre-projet indirect à l’initiative des entreprises responsables imposant de nouvelles obligations de rapports non financiers, notamment en ce qui concerne les questions environnementales, sociales et liées à l'emploi. Certaines composantes du contre-projet indirect devraient entrer en vigueur au début de l'année 2022. Dans l'intervalle, le Conseil fédéral doit clarifier diverses questions restées sans réponse concernant sa mise en œuvre. Les plus urgentes concernent les milieux touchés et l'étendue des exigences.

La recommandation du Conseil fédéral faisant suite au postulat 17.4204 Seydoux-Christe publié en février 2020, a invité l'industrie à élaborer des directives sectorielles sur la diligence raisonnable (notamment en matière de corruption). Il convient de souligner que, comme toutes personnes physiques et morales, les négociants en matières premières sont soumis au code pénal suisse et que la législation anticorruption s'applique. La loi suisse sur la concurrence déloyale, la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et la Convention des Nations unies contre la corruption sont également applicables. Néanmoins, dans un effort visant à accroître la transparence, des lignes directrices sectorielles qui définissent une approche fondée sur les risques et qui identifient les signaux d'alerte seront bientôt élaborées par le secteur sous les auspices de l'Association suisse du négoce de matières premières et du transport maritime (STSA).

L'industrie des matières premières est connue pour son agilité et son savoir-faire lorsqu'il s'agit de s'adapter rapidement à un environnement changeant. Le changement est important et nous devons l'accepter. C'est ce qui nous pousse à remettre en question les pratiques établies et nous donne une nouvelle perspective sur les moyens de nous améliorer. Face à ces multiples évolutions réglementaires, c'est la collaboration avec toutes les parties prenantes - autorités suisses, organismes internationaux, experts de l'industrie et au-delà - qui sera la clé d'une transition réussie et durable.