Après la tourmente qui a secoué l'univers du financement du négoce des matières premières en 2020, une période d'introspection a progressivement fait place aux fondamentaux qui jettent les bases d'une nouvelle ère plus robuste.
En plus de la rupture de la dynamique des échanges commerciaux due au COVID, la crise a révélé des cas de fraude et de mauvaises pratiques qui s'écartent des principes de base du financement du négoce. Si la crise a révélé des faiblesses, elle a également suscité le désir de se recentrer sur ce qui est au cœur même du secteur du financement du négoce de matières premières.
Ainsi, alors que certains créanciers sont encore en train de soigner leurs blessures, les banques adoptent une approche générale proactive pour adapter le modèle préexistant. L'enjeu est de faire face au marché de 12 000 milliards de dollars de matières premières échangées et consommées chaque année dans le monde. Entre la nécessité de réduire l'exposition au risque et celle de continuer à financer le négoce des matières premières, les banques de négoce ont pris toute une série de mesures, dans une logique de "retour aux sources". Plutôt que de se contenter d'une simple réduction des risques sectoriels, les créanciers ont renforcé leur évaluation des risques et leurs garanties sur les débiteurs, et mettent de plus en plus l'accent sur la transition vers une plus grande durabilité.
Cela signifie, avant tout, une approche plus rigoureuse des principes de financement transactionnel autorégulateur qui ont toujours constitué les fondements du financement moderne du négoce, notamment : un contrôle préalable strict de la connaissance du client et de la connaissance de l'opération, des pratiques renforcées de surveillance des garanties, la détection des opérations potentiellement redondantes, des garanties plus solides, et le fait de privilégier les débiteurs dont les comptes, la réglementation et la gouvernance d'entreprise sont totalement transparents. Dans le même temps, les deux principaux centres de financement du négoce de matières premières, Genève et Singapour, ont travaillé sur des codes de bonne conduite visant à améliorer la transparence ainsi qu'à promouvoir des flux de crédit durables. Ces normes ne sont pas nouvelles, mais il était nécessaire de les reformuler pour aligner les acteurs du marché sur les principes qui doivent guider l'industrie et le commerce mondial dans son ensemble. Cela s'est accompagné d'un niveau de normalisation plus élevé dans un secteur caractérisé par l'atomisation de sa chaîne d'approvisionnement. Cela explique l'accélération récente des investissements dans les chaînes d'approvisionnement par les banques, qui ont, par exemple, accru leur utilisation des plateformes numériques pour faciliter la gestion des risques opérationnels. Une autre pièce maîtresse de cette "nouvelle ère" consiste simplement à donner la priorité à l'expérience. Si les banquiers doivent être des généralistes en termes de savoir-faire technique au sens large, ils doivent aussi être des spécialistes dans leur connaissance du secteur. La formation continue et la proximité avec le marché sont essentielles. Un banquier spécialisé dans le négoce finance l'économie réelle avec des éléments de risque complexes et doit être "sur le terrain".
La description de ce nouveau cadre qui a émergé des cendres de la récente crise ne serait pas complète sans mettre en évidence l'évolution que la plupart des banques de financement du négoce et des acteurs de la filière des matières premières mènent vers plus de durabilité. Cette transition a commencé bien avant la crise, mais s'est encore amplifiée depuis. L'intégration de plus de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans le processus d'analyse de crédit devient une partie importante des décisions de financement.
Pour l'avenir, la crise a été un réveil indispensable pour une industrie qui continuera à s'adapter et à se tenir aux côtés de ses clients. Si le bois mort a été coupé, les racines de l'arbre restent solides.