Les prix du pétrole sont passés d’un plancher de 32 dollars en novembre 2020 à plus de 82 dollars le baril cette semaine (chiffres WTI). L’envolée récente du cours du baril (+27% depuis la mi-août) suscite quelques inquiétudes. Ce pic va-t-il commencer à agir comme un vent contraire sur les marchés? Il pourrait avoir moins d’impact que beaucoup ne le pensent.
Vers une moindre dépendance aux énergies fossiles
La flambée du cours du pétrole sur les marchés peut agir sur trois canaux différents: une inflation plus élevée, une diminution du revenu disponible et des marges bénéficiaires réduites. La pandémie de Covid-19 a réduit la main d’œuvre nécessaire à la mise sur le marché du pétrole et la montée en flèche de l’ESG et des énergies renouvelables a sensiblement réduit le rythme des investissements et de la production d’or noir. Ce choc d’offre négatif a ainsi fait augmenter les prix. Or dans une économie comme celle des États-Unis, où la consommation représente près de 70% du PIB, le coup porté au portefeuille du consommateur pourrait très facilement commencer à entamer les ventes au détail. Le consommateur américain type dépensant plus d’argent pour l’essence que pour les vêtements et les restaurants, l’effet d’entraînement du ralentissement de cette consommation semble évident.
Il est toutefois important de noter que le contexte énergétique actuel n’est plus le même que celui des générations précédentes. L’intensité énergétique, à savoir la quantité d’énergie nécessaire pour la production d’une certaine quantité de richesses est en baisse constante depuis des années. Les gains d’efficacité économique commencent à se faire sentir, de même que le passage à des sources d’énergie alternatives. Ainsi, les dépenses en énergie ou liées à des produits énergétiques représentaient 2,35% des dépenses totales en 2020 aux Etats-Unis, contre plus de 6% à la fin des années 1970. Certes, les prix à la pompe restent importants pour le consommateur. Mais nous ne pouvons nier le fait que les préoccupations énergétiques, liées aux dépenses des ménages en baisse dans ce segment, sont en passe d’être modifiées.
Des entreprises plus résilientes que par le passé
Du point de vue des entreprises, la hausse des prix de l’énergie, qui se répercute sur le coût des intrants, pourrait facilement commencer à éroder les marges bénéficiaires. Celles-ci peuvent choisir de répercuter ces hausses de prix sur les consommateurs, au risque que ces derniers aillent chercher ailleurs des prix plus bas ou des produits différents. Si, à l’inverse, elles choisissent d’absorber ces coûts, la compression des marges qui en résulte se répercutera sur leurs résultats. Le risque est alors de voir les cours de l’action chuter.
Si ce constat est vrai, il n’est toutefois pas insensé de le relativiser en actualisant, encore une fois, notre cadre d’analyse. La baisse de notre intensité énergétique, si elle est observée dans les dépenses du consommateur, est directement imputable aux entreprises qui, poussées par la réglementation et par l’intérêt croissant du public pour la problématique environnementale, innovent constamment et modernisent leur appareil de production. En outre, la pandémie a, pour certaines structures, été un véritable accélérateur de changement. De nombreuses entreprises ont ainsi amélioré leurs marges bénéficiaires après le Covid, ayant appris à «faire plus avec moins» pendant la pandémie. Ces gains d’efficacité accumulés pendant cette période sont vraisemblablement là pour rester, laissant aux entreprises une certaine capacité à absorber des coûts plus élevés sans être confrontées à un pincement significatif de leurs gains de levier d’exploitation par rapport aux niveaux pré-Covid.