Le scénario de «reflation» a clairement dominé les propos accommodants de la Fed ce mois-ci. L’attention du marché s’est focalisée sur les anticipations de croissance et d’inflation, donnant ainsi un élan supplémentaire à la hausse des rendements des bons du Trésor US de maturités longues.
La flambée des anticipations d’inflation a poussé le point mort d’inflation à 10 ans à 2,26% durant la séance du 16 février, un plus haut niveau depuis 2014. Elle est alimentée par une Fed qui a pris l’engagement de maintenir ses taux extrêmement bas jusqu’à ce que les prix à la consommation accélèrent durablement. Il en résulte une forte pentification de la courbe des rendements US et des taux longs proches désormais de ceux observés en début de pandémie.
Le marché attentif aux discours de Powell
Côté investisseurs, les plus pessimistes estiment que les campagnes de vaccination, les perspectives de réouvertures et les plans de relance budgétaire les propulseront encore plus haut. Si, jusqu’à présent, l’évolution des rendements longs ne semble pas alarmer M. Powell, elle n’en déstabilise pas moins les actifs plus risqués, actions américaines et marchés émergents notamment. C’est pourquoi le marché est très attentifs aux discours du président de la Réserve fédérale américaine, qui ne manque pas de confirmer le soutien de la banque centrale. Il faut dire que toute déception à ce sujet rendrait la hausse des rendements longs difficile à contenir.
D’autant qu’avant la pandémie, le 10 ans US s’échangeait à environ 1,6% contre 1,37% le 24 février. De là à conclure que le rendement du 10 ans US devrait remonter à 1,6% si la croissance retrouvait ses niveaux de début 2020, il n’y a qu’un pas.
Les prévisions divergent, bien sûr. Sur les 63 analystes interrogés par Bloomberg, le consensus se situe à 1,48% en fin d’année, la projection la plus basse étant de 0,75% et la plus haute de 2,17%. Un 10 ans US à 2,17% nous ramènerait au mois de mai 2019 et impliquerait une hausse de 80pb, ainsi qu’une perte de 5,5% sur la période. Le marché surveille aussi les rendements réels.
En effet, bien que leur progression concorde avec l’optimisme à l’égard de la reprise, une augmentation soutenue serait négative pour les coûts d’emprunts ainsi que pour la suite. Elle pourrait, en outre, diminuer l’attrait pour les classes d’actifs qui ont bénéficié de taux réels négatifs, les actions en particulier. Le taux réel à 10 ans est d’ailleurs brièvement repassé en territoire positif le 24 février, la première fois depuis juillet 2020.
Pas d’ascension brutale des rendements
Le marché ne s’attend pas pour autant à une ascension brutale des rendements. Les anticipations d’inflation pourraient s’avérer trop élevées, une meilleure rémunération des bons du Trésor pourrait stimuler la demande étrangère et M. Powell n’envisage pas de resserrement monétaire prématuré. Au final, le scénario de «reflation» prend ancrage et les rendements sont haussiers. Après avoir démontré tout son savoir-faire pour combattre la récession, la Fed devra peut-être en faire autant pour assurer une augmentation ordonnée des rendements US.