S’il vous est déjà venu à l’idée de spéculer sur les bitcoin ou d’acquérir, en vue de revendre avec gain (bien évidemment) une représentation numérique du premier «tweet» de l’Histoire (posté par Jack Dorsey, le CEO de Twitter) vendue pour près de 3 millions de dollars, l’Administration fédérale des contributions (AFC) vous fournit désormais les informations relatives au traitement fiscal qui vous sera appliqué en cas de succès.
• Principe d’exonération, sauf commerce professionnel
Le document de travail relatif aux cryptomonnaies et aux NFT (jetons numériques non-fongibles) publié par l’AFC en décembre 2021 renvoie pour le traitement fiscal qui leur est applicable à la circulaire n°36 sur le commerce professionnel des titres. Il en résulte que les plus-values réalisées sur la vente de ces actifs sont exonérées si (I) les actifs ont été détenus depuis au moins 6 mois, (II) le volume total des transactions n’excède pas cinq fois le montant des actifs au début de la période fiscale, (III) les plus-values réalisées sont inférieures à 50% du revenu annuel total du contribuable, (IV) l’acquisition n’a pas été financée par la dette et (V) les produits dérivés sont, le cas échéant, utilisés uniquement à des fins de couverture.
Au cas où ces critères ne sont pas cumulativement satisfaits, l’existence d’un commerce professionnel ne peut être exclue et une analyse au cas par cas doit alors être faite pour déterminer s’il existe une activité lucrative indépendante génératrice de gains imposables. A cet effet, l’administration examine un certain nombre de critères qu’elle juge primordiaux ainsi que des indices d’importance secondaire.
• Critères primordiaux caractérisant le commerce professionnel
Seront tout d’abord examinés la fréquence des transactions et la durée de possession des actifs. Une courte durée de possession et une fréquence élevée des transactions tendent à faire admettre que le contribuable ne cherche pas à placer son argent mais à réaliser rapidement un bénéfice. Dans certains cas spécifiques, une seule transaction pourrait permettre de conclure à l’existence d’une activité lucrative indépendante.
Le recours par le contribuable à d’importants fonds étrangers (dette tierce) pour financer ses investissements sera également un indice d’une activité lucrative indépendante. L’administration estime que dans un pareil cas, le risque pris par le contribuable dépasse celui qu’aurait accepté de prendre un bon père de famille gérant sa fortune privée.
L’utilisation de produits dérivées (des options notamment) de façon disproportionnée par rapport à la fortune totale du contribuable permettra enfin à l’AFC de conclure que ce dernier ne cherche pas à protéger ses investissements contre une chute de valeur mais entend mener une activité spéculative caractérisant davantage une gestion de fortune commerciale.
• Indices secondaires caractérisant le commerce professionnel
Il convient de noter que l’AFC ne voit pas d’un bon œil des contribuables qui agissent de manière systématique ou planifiée. C’est notamment le cas de ceux qui cherchent à augmenter significativement la valeur de leurs avoirs ou qui tentent de tirer profit du marché, notamment en réinvestissant régulièrement des bénéfices réalisés dans des actifs similaires.
Dans le même esprit, un rapport étroit entre les investissements et l’activité professionnelle du contribuable, notamment sous forme d’utilisation des connaissances spécifiques acquises dans sa sphère professionnelle, est également de nature à rapprocher ce dernier d’une activité lucrative indépendante.
La jurisprudence juge néanmoins ces deux critères comme étant d’importance moindre, pouvant entrainer une requalification fiscale uniquement en présence d’un critère primordial.
• Respecter scrupuleusement les conditions fixées
Pour conclure, un contribuable souhaitant s’assurer que les gains provenant de la vente des cryptos et des NFT seront traités comme des plus-values exonérées aura tout intérêt à respecter scrupuleusement les conditions fixées à cet effet. Il sera alors bien avisé de (I) investir à long terme, (II) limiter son temps de présence sur la plateforme de trading, (III) gagner de l’argent mais pas trop (IV) solliciter avec parcimonie son banquier (pour l’effet de levier notamment) et (V) utiliser les produits financiers complexes seulement pour ne pas perdre d’argent (pas pour en gagner).
Une fois sorti du cadre imposé, les lignes directrices deviennent plus floues et la requalification des plus-values privée (exonérées) en gains de nature commerciale (imposés) ne peut être exclue.