Il y a moins de neuf ans, le Portugal était au bord de la faillite et le rendement de son emprunt à 10 ans avoisinait 17,50%. Le 26 novembre 2020, il chutait à 0,002%, manquant d’un fil l’opportunité de devenir le premier emprunt périphérique souverain à 10 ans à traiter sous la barre psychologique de 0%.
L’Espagne, l’Italie et la Grèce, qui avaient également subi de plein fouet la crise de la dette souveraine européenne, ne sont pas loin. Ce même jour, le 10 espagnol s’échangeait à 0,05%, à peine 2pb au-dessus de son historique du mois d’août 2019. Le 27 novembre, l’Italie réalisait à son tour un record à 0,59% et la Grèce inscrivait le sien à 0,64%, 3 jours plus tard. Le cas grec est particulièrement spectaculaire puisqu’en mars 2012, le rendement à 10 ans avait gravi tous les sommets jusqu’à un pic de 37%.
A cette baisse des rendements s’ajoute celle des primes de risque contre l’Allemagne, non moins vertigineuse. Celle du Portugal s’élève actuellement à 0,6%, contre plus de 15,5% lors de la crise des souverains. Et que dire de la Grèce à 1,2% contre plus de 35% en 2012... Plutôt que le fruit d’une renaissance économique ou d’une amélioration des fondamentaux, cette formidable progression n’a pu être réalisée qu’avec le concours d’un acteur dominant: la BCE.
De mars à novembre, la taille de son bilan est passée de 4700 milliards d’euros à 6880 milliards d’euros, tous actifs confondus. L’impact sur le marché obligataire est colossal. Selon Bloomberg, le total de la dette mondiale avec un rendement négatif est passé de 7682 milliards de dollars à 16472 milliards de dollars, entre le 19 mars et le 1er décembre. Bien sûr, les emprunts européens ne détiennent pas le monopole des rendements négatifs, mais leur proportion n’en est pas moins importante. C’est ce qui pousse les investisseurs à chasser le rendement là où il en reste, quitte à oublier les fondamentaux.
D’autant que les attentes penchent vers des mesures supplémentaires de la BCE, dès le 10 décembre, date de sa prochaine réunion. Une aubaine pour la dette périphérique, comme l’illustre l’exemple de l’Italie. L’ouverture du débat sur l’annulation des dettes publiques liées au Covid-19 et détenues par la BCE, loin d’effrayer le marché, n’a pas empêché le rendement de l’Italie à 10 ans de baisser à 0,59%.
Conforté par la présence de la banque centrale et le projet de mutualisation de la dette européenne, le marché considère que le risque d’éclatement de la zone Euro n’est plus ce qu’il était. Dès lors, pourquoi s’inquiéter des taux d’endettement? L’Italie pourrait voir le sien grimper à 160% cette année. Au Portugal, le chiffre devrait atteindre 135%, alors qu’il était d’environ 129% en 2012! Une détérioration de 6%, si la projection s’avère correcte, «récompensée» par des rendements proches de 0%.
Que dire, sinon que les temps ont changé, des crises sont passées par là et les banques centrales font des tours de magie.