L’économie mondiale a subi des bouleversements ces dernières années provoquant une refonte de nos manières de consommer. Choc inattendu de la pandémie de coronavirus, retour d’une inflation après quinze ans et place croissante de la durabilité, cette nouvelle réalité impacte le luxe et les attentes du secteur.
Alors que le taux de croissance annuel composé de l’industrie du luxe devrait se situer entre 3,5% et 4,5% d’ici à 2030, l’économie mondiale a crû de 2,93% ces 22 dernières années et devrait encore progresser de 3,5% en 2023 et de 3% en 2024. Le luxe devrait donc continuer d’être un segment majeur de la consommation avec des performances supérieures au marché. La croissance annualisée de 6% dont a joui cette industrie depuis le milieu des années 1990 semble toutefois bien loin.
Pour preuve, le parcours mouvementé des grandes maisons ces dernières années, allant du fort pessimisme en 2020 à un optimisme débridé en 2021 sur fond de rebond des ventes plus rapide qu’attendu. L’année 2022 a été affectée par les craintes de contraction économique, l’impact de l’inflation sur les choix des consommateurs et la déception due à la lenteur de la réouverture en Chine. Le regain de ferveur depuis la fin de l’année dernière est lié à la résistance de la demande pour le luxe couplée à un levier opérationnel important: certains titres ont atteint leur sommet historique grâce à une certaine maîtrise des coûts ces dernières années.
Le contexte macroéconomique demeurant fragile, la réalité rattrape l’industrie depuis l’été dernier. La Chine fait face à de nombreux défis et n’a pas retrouvé sa place prépandémique. Et la demande américaine qui a soutenu le marché se tarit: les ménages ont fini d’épuiser l’épargne forcée de l’époque Covid. L’action LVMH a perdu plus de 25% depuis mai, Richemont et Kering plus de 30%, et L’Oréal se traite 15% plus bas qu’au printemps.
Dans un contexte qui se normalise et grâce à une lisibilité accrue des dynamiques du marché, nous devrions voir davantage de rationalité à l’avenir. Le secteur est désormais globalement valorisé à sa juste valeur. Sa croissance devrait se maintenir, mais à un niveau durablement plus faible, et les niveaux de profitabilité ont probablement atteint leur pic. La création de richesse en Asie devrait continuer à soutenir la croissance du luxe alors qu’il conserve sa fonction d’instrument de statut social.
La polarisation des richesses dans les économies plus développées devrait jouer un rôle similaire. La croissance sera en revanche plus modérée dans les segments de l’automobile de luxe, notamment impactée par les impératifs écologiques. Les dépenses expérientielles continueront à court terme de bénéficier de l’effet post-Covid et, ce, d’autant plus que le consommateur chinois reprend progressivement ses voyages. Enfin, la relation au logement a profondément changé. Les lieux de vie sont dorénavant également des bureaux, des salles de sport, des espaces de loisirs, et il en découle une part croissante de dépenses discrétionnaires couplées d’un rehaussement de gamme. Il en va de même de notre rapport à la technologie et de son incursion progressive dans les objets du quotidien, touche d’innovation et encore une fois, d’exclusivité.
Il s’agira également de rechercher plusieurs qualités intrinsèques aux sociétés de luxe. Il faudra alors porter une attention particulière à la diversité des canaux de distribution ainsi qu’à la capacité à créer des économies d’échelle. On pourra également favoriser les sociétés contrôlant ces canaux de distribution. On peut également envisager de favoriser les grands groupes. Enfin, il s’agira de privilégier des sociétés capables de générer des niveaux de marge structurellement élevés, corollaire de la capacité à fixer les prix car après tout, le luxe est avant tout une affaire de perception.