Le président de la direction générale de la Banque nationale suisse (BNS), Thomas Jordan, quittera ses fonctions le 30 septembre. Le Biennois avait pris la tête en 2012 d'un institut d'émission en crise après la démission de Philipp Hildebrand, l'une des nombreuses tempêtes que M. Jordan aura traversé à la banque centrale helvétique.
«Maintenant que les différents défis rencontrés ces dernières années ont pu être maîtrisés, le moment est propice pour me retirer», affirme Thomas Jordan cité dans un communiqué de la BNS publié vendredi. Le document ne fait aucune mention au remplacement du président, âgé de 61 ans, ni des raisons de son départ. Le Conseil de banque et la direction générale affirment «regretter au plus haut point» la décision de M. Jordan.
Arrivé à la direction générale de la BNS en 2007, Thomas Jordan a été mis très rapidement à contribution. Le banquier central a traversé la crise financière de 2007-2008 en qualité de responsable du fonds de stabilisation créé en vue de reprendre des actifs illiquides d'UBS, la grande banque systémique alors en graves difficultés.
La nomination de Thomas Jordan la tête de la BNS est intervenue dans un contexte de crise pour l'institution, le Biennois ayant remplacé Philipp Hildebrand, contraint à la démission suite à des transactions controversées sur devises réalisées par son épouse d'alors. Il est confirmé dans ses fonctions en avril 2012, après une période d'intérim de trois mois.
Près de huit ans de taux négatifs
La levée du taux plancher entre le franc et l'euro en 2015 fut l'un des faits marquants de la présidence de M. Jordan, alors que la crise du Covid et la chute de Credit Suisse auront marqué la fin du mandat.
Défendant de longues années, contre vents et marées, une politique monétaire ultra accommodante qui lui aura attiré les foudres du secteur bancaire en Suisse, le président démissionnaire de la BNS a mis un terme en septembre 2022 aux taux d'intérêts négatifs qu'il avait lui-même introduits en 2015.
Né en 1963 à Bienne, Thomas Jordan est entré à la banque centrale helvétique en 1997. Il a fourni une «contribution décisive» l'élaboration de la nouvelle stratégie de politique monétaire introduite fin 1999, précise le communiqué. Le banquier central est nommé suppléant à la direction en 2004 et accède au saint des saints trois ans plus tard.
Début 2010, il accède à la vice-présidence de la BNS, oeuvrant dans cette fonction au développement de l'actuelle série de billets de banque et du volant anticyclique de fonds propres, un instrument destiné à éviter les bulles immobilières.
La réaction des partis politiques
L'UDC regrette l'annonce de la démission du président de la Banque nationale suisse (BNS) Thomas Jordan, qui jouissait d'une «confiance presque aveugle» du parti. Le PS critique de son côté la «monarchie héréditaire» qui règne à la BNS.
Pour l'UDC, Thomas Jordan «était un garant de la stabilité de la BNS», a déclaré le chef du groupe parlementaire Thomas Aeschi à Keystone-ATS. Le parti souhaite qu'une personnalité similaire lui succède à la tête de l'institution, ajoute le Zougois, qui préside la commission de l'économie du Conseil national.
Les Vert'libéraux ont salué pour leur part le travail solide du Bâlois, qui a fait preuve de calme en période de turbulences. La stabilité des prix est garantie, estime le PVL. Le parti attend du prochain président qu'il adopte la même attitude, qu'il prenne mieux en compte les risques climatiques dans sa stratégie de placement et qu'il se penche sur la crise de Credit Suisse.
Le PS se montre, lui, plus critique. Il réclame la fin de la «monarchie héréditaire» à la BNS. Il déplore que M. Jordan a quasiment désigné lui-même son successeur, Martin Schlegel, qui devrait le remplacer à la tête de la banque.
Le parti exige du futur président que la BNS procède à nouveau à des versements d'argent, comme l'exige la Constitution fédérale. Celle-ci donne en effet «deux missions claires» à la BNS: mener une politique monétaire qui serve les intérêts généraux du pays et distribuer deux tiers de son bénéfice aux cantons.
Or, depuis la fin de la politique des taux d'intérêt négatifs, la BNS a versé plus de huit milliards de francs d'intérêts aux banques, alors que la Confédération et les cantons n'ont rien reçu, déplore le PS. Qui exige aussi que la BNS prenne en compte des objectifs de durabilité dans ses placements. (ATS)