• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Pierin Vincenz, le banquier qui a transformé Raiffeisen, affronte la justice mardi

Sous la direction du Grison, la banque des campagnes est devenue le troisième groupe bancaire suisse. Accusé d'avoir profité d'avantages financiers indus, son procès s'ouvre mardi à Zurich.

Pierin Vincenz entre à la direction de Raiffeisen en 1996 en tant que responsable du département Finances. Trois ans plus tard, il en devient le directeur général.
Keystone
Pierin Vincenz entre à la direction de Raiffeisen en 1996 en tant que responsable du département Finances. Trois ans plus tard, il en devient le directeur général.
24 janvier 2022, 7h45
Partager


Le procès de l'ancien patron de la banque Raiffeisen s'ouvre mardi devant le tribunal de district de Zurich. Les deux principaux accusés sont Pierin Vincenz et Beat Stocker, ex-patron de la société d'émission de cartes de crédit Aduno. Selon l'acte d'accusation de 364 pages, les deux hommes se sont accordés des avantages financiers indus lors de rachats d'entreprises. Ils auraient aussi perçu des indemnités irrégulières basées sur des notes de frais illégitimes.

Patron de Raiffeisen de 1999 à 2015, Pierin Vincenz a donné à l'établissement st-gallois une toute autre envergure. Sous la direction du jovial et charismatique Grison, la banque des campagnes est devenue le 3e groupe bancaire suisse, un institut considéré d'importance systémique au vu de son poids sur le marché hypothécaire.

Début professionnel

Né en 1956 à Coire, Pierin Vincenz passe son enfance dans le village d'Andiast. Cadet des quatre enfants du conseiller d'Etat Gion Clau Vincenz, lequel, après son mandat à l'exécutif grison préside de 1984 à 1992 le conseil d'administration de l'Union suisse des banques Raiffeisen, il accomplit des études de gestion d'entreprise à l'Université de Saint-Gall.

Ayant débuté son activité professionnelle en 1979 à la Société fiduciaire suisse de Saint-Gall, Pierin Vincenz rejoint à la fin des années 1980 la Société de Banque Suisse, avant de devenir dix ans plus tard trésorier de la société Hunter Douglas à Lucerne. Il entre à la direction de Raiffeisen en 1996 en tant que responsable du département Finances. Trois ans plus tard, il en devient le directeur général.

Dès lors, Pierin Vincenz va accélérer l'expansion de Raiffeisen. En 1999, l'établissement dont le logo représente encore trois épis, affiche un bilan déjà en forte hausse à 71,2 milliards de francs et constitué aux trois quarts d'engagements hypothécaires. La traditionnelle banque des campagnes, qui emploie alors 4600 employés, est désormais partie à la conquête des villes.

Urbanisation et diversification

M. Vincenz veut aussi diversifier les sources de revenus et étoffer la palette de services, notamment dans les fonds de placement et la gestion de fortune. La vive croissance et l'urbanisation du groupe s'accompagnent également d'une concentration de son réseau, le plus dense du pays, dans les campagnes. La banque en ligne et l'expansion dans les villes nécessitent de maîtriser les coûts.

En 2004, lors de la présentation de chiffres records de Raiffeisen. Le total du bilan avait dépassé la barre des 100 milliards.
Keystone
En 2004, lors de la présentation de chiffres records de Raiffeisen. Le total du bilan avait dépassé la barre des 100 milliards.


En 2006, l'Union suisse des banques Raiffeisen, numéro deux du marché hypothécaire helvétique, prend la raison sociale de Raiffeisen Suisse et change de logo. Les épis et la clef font place à une identité visuelle entièrement axée sur le nom de l'établissement qui continue d'aligner les records.

Train de vie luxueux

La banque voit affluer les clients déçus d'UBS et de Credit Suisse dans le contexte de la crise des subprimes. Mais les critiques commencent à poindre, la presse alémanique fustigeant le train de vie luxueux de son premier dirigeant, peu en phase avec l'image de sérieux et de prudence que le groupe veut véhiculer.

En 2012, Raiffeisen s'empare de Notenstein Banque Privée, établissement regroupant les affaires hors Etats-Unis et né du sabordage de Wegelin & Co. Le plus ancien gestionnaire de fortune suisse, fondé en 1741 a été condamné à une amende de 74 millions de dollars pour avoir aidé des Américains à soustraire leur argent au fisc. En 2015, Notenstein fusionne avec la Banque La Roche, devenant Notenstein La Roche.

A la tête du numéro un des crédits hypothécaires, le populaire patron n'hésite pas non plus à s'immiscer dans les questions de politique financière nationale, quitte à faire bondir ses pairs, par exemple en prédisant la fin du secret bancaire. Fin 2015, l'établissement compte plus de 11'000 salariés et un total de bilan dépassant les 205 milliards de francs. D'abord prévu pour le 31 mars 2016, son départ de la direction de Raiffeisen est finalement avancé à fin septembre 2015, Pierin Vincenz ayant été nommé à la présidence du conseil d'administration de l'assureur st-gallois Helvetia. En juillet 2015, il reprend par ailleurs celle de l'organe de surveillance du spécialiste zurichois de produits structurés Leonteq.

Pressenti pour reprendre la présidence de l'Association suisse des banquiers (ASB), le président de la banque privée zurichoise Vontobel Herbert Scheidt lui est préféré en juillet 2016. Un mois plus tôt, M. Vincenz est élu président du conseil d'administration du groupe énergétique grison Repower.

2018. Un militant de Vollgeld portant un masque de Pierin Vincenz tient à la main des milliers de notes imprimées à l'occasion d'une action pour la cause "Vincenz/Raiffeisen". Pour l'achat d'Investnet, la Raiffeisenbank a produit 100 millions de monnaie-livre électronique sur simple pression d'un bouton. Selon les médias, environ cinq millions sur les 100 millions sont allés dans les poches privées de l'ancien directeur Pierin Vincenz. Avec l'initiative de monnaie souveraine, de telles transactions propriétaires avec de la monnaie autogénérée ne seraient plus possibles.
Keystone
2018. Un militant de Vollgeld portant un masque de Pierin Vincenz tient à la main des milliers de notes imprimées à l'occasion d'une action pour la cause "Vincenz/Raiffeisen". Pour l'achat d'Investnet, la Raiffeisenbank a produit 100 millions de monnaie-livre électronique sur simple pression d'un bouton. Selon les médias, environ cinq millions sur les 100 millions sont allés dans les poches privées de l'ancien directeur Pierin Vincenz. Avec l'initiative de monnaie souveraine, de telles transactions propriétaires avec de la monnaie autogénérée ne seraient plus possibles.

Conflits d'intérêts

Mais les perspectives du sexagénaire s'assombrissent soudainement. En novembre 2017, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) lance une procédure d'examen approfondi contre Raiffeisen et Pierin Vincenz. Le régulateur doute quant à la gouvernance d'entreprise de la banque, soupçonnant des conflits d'intérêts, notamment lors de l'acquisition de la société de conseils Investnet à l'époque où M. Vincenz était aux commandes de Raiffeisen.

Mi-décembre, Pierin Vincenz quitte la présidence d'Helvetia et la Finma met un terme à son examen, le banquier n'occupant plus de fonctions dirigeantes dans le secteur financier. Cependant, le Ministère public zurichois lance fin février 2018 une procédure pénale contre le Grison pour gestion déloyale. Après Aduno, Raiffeisen a également porté plainte contre son ancien patron.(ATS)

Début du procès mardi

Le procès de Pierin Vincenz s'ouvre mardi devant le tribunal de district de Zurich. Six autres prévenus comparaissent avec lui. Ils sont notamment accusés d'escroquerie par métier, gestion déloyale et corruption passive. Les deux principaux accusés sont Pierin Vincenz et Beat Stocker, ex-patron de la société d'émission de cartes de crédit Aduno. Selon l'acte d'accusation de 364 pages, les deux hommes se sont accordés des avantages financiers indus lors de rachats d'entreprises. Ils auraient aussi perçu des indemnités irrégulières basées sur des notes de frais illégitimes. Le Ministère public requiert des peines de six ans de prison ferme contre les deux principaux prévenus. Pierin Vincenz et Beat Stocker ont déjà rejeté les accusations portées contre eux. Le dossier concerne aussi bien les affaires que la vie privée des deux hommes. Le Ministère public leur reproche d'avoir empoché illicitement 25 millions de francs. Pierin Vincenz aurait perçu 9 millions de francs et Beat Stocker 16 millions. Les deux accusés se seraient en outre fait promettre d'autres avantages illégaux d'un montant de 22,5 millions de francs. Ces plans ne se sont toutefois pas concrétisés. Selon l'acte d'accusation, les deux prévenus auraient influencé le groupe Raiffeisen et d'autres sociétés financières qu'ils dirigeaient et conseillaient afin qu'elles rachètent des entreprises dans lesquelles ils avaient des participations privées occultes. Les deux hommes ont ainsi réalisé des bénéfices lors des rachats. Le procès devrait durer quatre jours, mais un ou deux jours supplémentaires seront peut-être nécessaires. En effet, le procureur et six des avocats de la défense ont annoncé un temps de parole de 39 heures, selon des informations d'Inside Paradeplatz, qui ont été confirmées à l'agence Keystone-ATS par le tribunal de district. En plus d'une audience de réserve prévue le 9 février, le tribunal envisage d'y ajouter une journée supplémentaire.(ATS)