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Le blâme de la Finma contre les ex-dirigeants de Julius Bär sanctionne des «erreurs»

Des spécialistes genevois du droit bancaire mettent en perspective une enquête qui n’a pas débouché sur une procédure formelle contre Boris Collardi.

«J’accepte le blâme qui a été prononcé sur cette base. Cette décision – et c’est là l’essentiel – met un point final au dossier pour moi», a déclaré Boris Collardi, l’ancien CEO de Julius Bär.
Keystone
«J’accepte le blâme qui a été prononcé sur cette base. Cette décision – et c’est là l’essentiel – met un point final au dossier pour moi», a déclaré Boris Collardi, l’ancien CEO de Julius Bär.
21 janvier 2021, 19h58
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La sentence de la Finma publiée jeudi met un terme à son enquête visant quatre anciens cadres de la banque Julius Bär. Le régulateur a “clarifié les responsabilités individuelles dans de graves lacunes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent observées chez Julius Bär”. L’affaire concerne des cas présumés de corruption au Venezuela.

La Finma a notamment «prononcé par écrit des blâmes à l’encontre de deux personnes», selon son communiqué, sans nommer celles-ci. Boris Collardi est l’un d’eux. Il s’est déclaré, selon des propos transmis jeudi matin à L’Agefi, «satisfait d’apprendre la fin de la procédure de clarification de la Finma pour ce qui me concerne. J’accepte le blâme qui a été prononcé sur cette base. Cette décision – et c’est là l’essentiel – met un point final au dossier pour moi.» La banque Pictet a quant à elle renouvelé son soutien à son associé Boris Collardi, «qui a toute notre confiance».

Selon des sources citées par des médias alémaniques, l’autre ancien haut dirigeant blâmé est l’ex-CEO de Julius Bär Bernhard Hodler, ce qui n’a toutefois pas été confirmé par la banque.

Le blâme est la sanction la plus faible

Guillaume Fatio du cabinet BMG Avocats estime que «s’il n’y avait pas eu Boris Collardi de concerné par cette affaire, la Finma n’aurait probablement pas publié un communiqué aussi détaillé à ce sujet». C’est ainsi peut-être la première fois que la Finma publie une sentence avec des blâmes de ce type. Celle-ci ne devrait donc avoir qu’une incidence limitée sur la carrière future des personnes touchées. «Ce n’est pas rien d’avoir un blâme, mais celui-ci représente quand même la sanction la plus faible, pour des erreurs qui ne sont pas considérées graves», détaille l’avocat. 

Quant à savoir si ce type de sanction est devenu plus fréquent, Guillaume Fatio constate qu’«il n’y a pas beaucoup de transparence par rapport au nombre de blâmes donnés. C’est devenu plus fréquent depuis 2015, mais reste relativement rare.» Selon un autre juriste qui souhaite rester anonyme, la banque Pictet devrait d’ailleurs avoir tenu compte de cette affaire lors du recrutement de son associé.

Pas de procédure formelle ouverte

La Finma peut prononcer plusieurs formes de blâme. Dans le cas concret des deux hauts dirigeants, il n’y a pas eu d’ouverture d’une procédure d’«enforcement» (application du droit). Celle-ci doit se baser sur des éléments «suffisants à fonder une responsabilité directe et causale pour une grave violation du droit de la surveillance», comme l’explique le communiqué de la Finma. Cela n’est pas le cas pour les deux anciens CEO, contrairement à un autre ex-dirigeant de Julius Bär. Le quatrième s’est lui-même placé en-dehors de la ligne de mire en renonçant à toute position de direction dans une banque.

A propos du blâme, la Finma écrit que «il y avait certes des erreurs, mais pas d'éléments suffisant à fonder une responsabilité directe et causale pour une grave violation du droit de la surveillance». Est-ce à dire que ces erreurs font désormais partie des risques liés à l’exercice du métier de banquier? L’avocat Guillaume Fatio n’adhère pas vraiment à cette idée: «cela n’arrive tout de même pas à tout le monde. Dans les organes dirigeants toutefois, c’est un risque dont il faut tenir compte. Aucun dirigeant ne fait volontairement des erreurs. Celles-ci ont sans doute résulté d’une mauvaise appréciation de la situation. Au vu du risque de l’interdiction totale de travailler, les dirigeants ne peuvent pas prendre le risque de faire abstraction de la réglementation. La situation est différente pour les responsables de la clientèle, qui sont plus en prise avec les situations concrètes que quelqu’un qui est au niveau de la supervision.»

Exigences contradictoires pour la première ligne de défense

Dans le cadre du blanchiment d’argent, il est souvent question de trois lignes de défense: le respect pratique des procédures de conformité formulées au niveau de tout l’établissement par le personnel en contact direct avec les clients, le contrôle par le responsable de la conformité, et finalement un organe indépendant qui vérifie la validité du dispositif anti-blanchiment mis en place. «Les responsables de la clientèle représentent la première ligne de défense. Ils sont parfois sujets à des exigences contradictoires, entre un certain chiffre à atteindre et la conformité à la réglementation à respecter. Les dirigeants donnent l’impulsion, définissent la culture d’entreprise», détaille Guillaume Fatio.

Il faut aussi tenir compte de procédures de blanchiment d’argent et d’outils de lutte contre celles-ci qui sont les deux devenues plus sophistiquées. Le risque d’être confronté à une procédure a ainsi peut-être augmenté, selon l’une de nos sources. Comme il n’est pas possible pour une banque d’obtenir toutes les informations lui permettant d’écarter tous les risques, il reste une marge d’appréciation. L’un des reproches de la Finma à l’égard de Julius Bär est ainsi d’avoir placé le curseur trop loin en faveur de la prise de risques.