L'action de la banque Credit Suisse a essuyé mercredi la pire chute de son histoire, clôturant en baisse de 24,24% à 1,697 franc suisse, après un mouvement de panique sur le titre suite à des propos de son premier actionnaire.
Dans un marché très nerveux quant au risque de contagion après la faillite de la banque américaine SVB, le titre a perdu jusqu'à 30% de sa valeur durant la séance pour toucher un nouveau point bas historique à 1,55 franc suisse, sa chute entraînant une tempête sur les marchés boursiers.
La capitalisation boursière continuait aussi à s'effondrer à 6,8 milliards de francs, à comparer aux 59,4 milliards du rival UBS ou aux 11,3 milliards de Julius Bär.
Le principal actionnaire du groupe bancaire zurichois, la Saudi National Bank, a encore jeté de l'huile sur le feu en excluant tout nouveau soutien financier.
L’analyste bancaire de la banque Bordier & Cie Loïc Bhend, contacté par lpne, ne considère pas la baisse de l’action Credit Suisse, qui est «plutôt un indicateur pour les préoccupations du marché», comme problématique en soi. Il redoute beaucoup plus la forte hausse au niveau des CDS (assurances contre le risque de défaut de crédit) qui, eux, «peuvent fragiliser la banque, puisqu’ils ont un impact très concret sur sa capacité de se refinancer». Pour calmer la situation et stabiliser Credit Suisse, il estime qu’une «déclaration des autorités qu’elles ne laisseront pas tomber la banque serait nécessaire. Une prise de position de son président Axel Lehmann ne suffirait pas, car la confiance dans les dirigeants est déjà trop mise à mal.»
Credit Suisse n'est pas seulement un problème pour la Suisse, mais au niveau mondial
Analystes de Capital Economics
Cette chute s'inscrit dans le contexte d'un mouvement généralisé d'aversion aux risques touchant les titres bancaires, écrivent les analystes de Capital Economics dans un commentaire. «Alors que les marchés financiers semblaient s'être apaisés après la saga (de la banque californienne en faillite) SVB, le mouvement de vente de titres bancaires en Europe a repris ce matin en raison de craintes sur la solidité de Credit Suisse», ont-ils souligné.
Capital Economics rappelle que Credit Suisse, classée d'importance systémique par le régulateur suisse, est d'une importance plus cruciale pour l'économie mondiale que des banques régionales américaines. Son bilan est bien plus important que celui de SVB et plus interconnecté mondialement. «Credit Suisse n'est pas seulement un problème pour la Suisse, mais au niveau mondial».
Cela pourrait aussi avoir un impact sur la décision de politique monétaire jeudi de la Banque centrale européenne (BCE), qui pourrait dans ce contexte tendu adopter une position attentiste, ont-ils ajouté.
Arthur Jurus, stratégiste Senior auprès de la banque Oddo BHF, a pour sa part indiqué que le CDS (Credit default swap, couverture de défaillance) à cinq ans de Credit Suisse était à +625 points de base (pb), «en hausse de 200pb en quelques jours et à son plus haut niveau historique».
«Credit Suisse s'est pris un crochet gauche et droit en peu de temps», ont illustré les experts d'Activtrades dans une note. Ces derniers se demandent si la banque «pourrait être mise KO», comme le suggère l'envolée des CDS.
Cette nouvelle chute intervient après une série de mauvaises nouvelles pour le secteur bancaire en général et pour Credit Suisse en particulier depuis lundi. Le principal actionnaire de Credit Suisse, le saoudien Saudi National Bank (SNB), a ainsi exclu mercredi un nouveau soutien à la banque zurichoise en difficulté.
Interrogé sur Bloomberg TV sur d'éventuelles nouvelles aides financière à Credit Suisse, le président de SNB, Ammar Al Khudairy a répondu «c'est clairement non pour plusieurs raisons, parmi lesquelles figurent des raisons régulatoires et statutaires».
Credit Suisse avait annoncé en octobre dernier un vaste plan de restructuration, comprenant notamment une augmentation de capital de 4 milliards de francs. La Saudi National Bank s'était alors engagée à hauteur de 1,5 milliard, raflant 9,9% du capital-actions de la banque avec cette opération.
Faillites bancaires aux Etats-Unis
Mardi, Credit Suisse avait reconnu dans son rapport annuel continuer à lutter contre les sorties de liquidités, qui ont ralenti mais sans que la tendance s'inverse. «Ces reflux se sont stabilisés à des niveaux bien moindres, mais n'ont pas encore inversé la tendance à la date de publication du rapport», avait précisé l'établissement dans le document.
Le groupe zurichois avait subi l'année dernière des retraits massifs de liquidités de 123,2 milliards de francs, dont 110,5 milliards au seul quatrième trimestre.
Lundi déjà, la semaine avait mal commencé pour Credit Suisse, suite aux déboires de plusieurs banques américaines.
Aux Etats-Unis, Silicon Valley Bank (SVB) a été fermée vendredi par les autorités. Sa disparition représente non seulement la plus grande faillite bancaire depuis celle de Washington Mutual en 2008, mais aussi la deuxième plus grosse défaillance d'une banque de détail aux Etats-Unis. La banque, spécialisée dans le financement des jeunes pousses, ne parvenait plus à faire face aux retraits massifs de ses clients, principalement des acteurs de la tech, et ses ultimes tentatives de lever de l'argent frais n'ont pas abouti.
La vague de retraits qui a suivi a provoqué la défaillance de deux autres banques, Signature Bank et Silvergate Bank, plus petites mais connues pour leurs liens particuliers avec le milieu des cryptomonnaies.
L'ensemble du secteur bancaire était en souffrance ce mercredi. A Wall Street, Capital One (-4,8%), Citigroup (-5.6%) et Wells Fargo (-4,9%) reculaient.
En Europe, BNP Paribas chutait de 9,7%, Société Générale de 12%, ING de 9,8%, Commerzbank de 8,8%, Deutsche Bank de 9,3% et Unicredit de 9,1%. (AWP/'Agefi)
La gauche réfléchit «aux scénarios possibles»
Pour le conseiller national socialiste Samuel Bendahan, «nous sommes en train, en tout cas à gauche, de réfléchir aux scénarios possibles. Mais c'est aujourd'hui au Conseil fédéral et à la BNS de faire ce travail.»
«La privatisation des profits et la nationalisation des pertes, comme en 2008, ça ne va plus. Il faut éviter à tout prix que cela se reproduise», a-t-il poursuivi. «Si j’apprenais qu’une banque suisse sérieuse n’est pas protégée contre le risque auquel ont succombé les banques américaines, à savoir la hausse des taux, je tomberais des nues. Je suis convaincu que ce n’est pas un problème en Suisse au vu des régulations que nous avons mises en place.» (‘Agefi)
Elisabeth Borne: ce sujet «doit être réglé» par les autorités suisses
La première ministre française Elisabeth Borne a demandé mercredi aux autorités suisses de régler les problèmes de la banque Credit Suisse, dont la situation suscite des inquiétudes sur les marchés financiers.
«Ce sujet est du ressort des autorités suisses. Il doit être réglé par elles», a affirmé devant le Sénat la Elisabeth Borne, précisant que le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, «aurait un contact avec son homologue suisse dans les prochaines heures».
De son côté, le Département au trésor, Ministère américain de l'économie et des finances, est en lien avec ses homologues des autres pays concernant la banque Credit Suisse, et surveille la situation, a indiqué mercredi un porte-parole. (AWP)
Le franc perd 0,94% face au dollar
L'euro et les autres grandes devises européennes piquaient du nez mercredi face au dollar, plombées par le plongeon des valeurs bancaires en Europe alors que le premier actionnaire de la banque Credit Suisse a exclu de monter davantage au capital.
Le risque qui pèse sur le secteur bancaire, à la veille d'une réunion de la Banque centrale européenne (BCE), faisait perdre à l'euro 1,83% à 1,0537 dollar vers 13H35 GMT (14H35 HEC), tandis que le franc suisse cédait 0,94% à 0,9229 franc suisse pour un dollar.
Face au yen, l'euro chutait de 2,84% à 139,96 yens.
L'or, autre valeur refuge, gagnait 1,09% à 1.924,80 dollars l'once, et voyait son prix en euro grimper de 2,97% à 1.826,70 euros, un sommet depuis avril 2022. (AWP)