Les taux négatifs ne seront bientôt plus réservés aux grands comptes. La Banque Alternative Suisse (BAS) a brisé un tabou mardi en devenant le premier établissement helvétique à répercuter en partie les taux négatifs sur ses comptes dès le premier franc, une mesure touchant également les clients modestes.
Un intérêt de -0,25% sera prélevé sur les dépôts, a expliqué dans un communiqué l’institut basé à Olten (SO). BAS n’en est pas à son coup d’essai : c’est elle qui en novembre 2015 avait été la première à imposer pleinement les taux négatifs de 0,75% pour les dépôts de particuliers dépassant 100.000 francs. Les autres établissements avaient alors suivi le mouvement jusqu’à ce que la mesure devienne la norme.
BAS a consenti à quelques exceptions. Les comptes de prévoyance et de garantie de loyer, les comptes d'épargne et de placement pour enfants jusqu'à 750.00 francs, les comptes de titres jusqu'à 500.000 francs et les mandats de gestion de fortune sont exemptés.
Le taux négatif de 0,25% est une participation de la clientèle à notre modèle d'affaires, non pas une répercussion des intérêts prélevés par la BNS
Nicole Bardet, membre de la direction de Banque Alternative
Une participation de la clientèle
Hasard du calendrier, l’annonce de la Banque Alternative tombe deux semaines avant la décision de politique monétaire de juin de la Banque nationale suisse (BNS). «L’établissement est trop petit pour peser auprès de la BNS mais c’est tout de même un signal négatif qui est envoyé car la Banque Alternative estime que l’environnement de taux bas va durer et elle prend les devants en conséquence », souligne Mathieu Grobéty, le nouveau directeur de l’Institut d’économie appliquée (CREA).
L’économiste ne croit pas non plus à un exode massif de clients. Non seulement la ponction sera symbolique mais Mathieu Grobéty rappelle qu’il est parfois onéreux et long de vouloir changer de banque.
La Banque Alternative Suisse est un acteur modeste en Suisse avec 2,14 milliards de francs au bilan à fin 2020. Et comme l’explique à AWP Nicole Bardet, membre de la direction, le taux négatif de 0,25% est une «participation de la clientèle à notre modèle d'affaires, non pas une répercussion des intérêts prélevés par la BNS».
La décision de BAS a également le mérite d’élargir le débat sur la politique des taux négatifs appliqués par la BNS, explique Mourtaza Asad-Syed. «Le sujet n’est pas d’opposer les petits comptes aux grands comptes mais de poser la question de l’usage de la monnaie fait par ceux qui n’habitent pas en Suisse», relève le responsable des investissements de la banque Landolt.
Il faudrait une claire séparation entre les frais couvrant les coûts et les frais liés à la variation des taux d'intérêt qui rémunèrent, ou non, le capital
Jean Busché, responsable politique économique à la FRC
Pour Charles Wyplosz de l’Observatoire de la BNS, il faut aussi prendre en compte le retour de l’inflation, qui pourraient bien rabattre les cartes prochainement. «Honnêtement, on ne sait pas combien de temps cette situation va durer mais si les prix se mettent à grimper en Suisse, la BNS ne pourra rester inactive et elle devra adapter à sa politique monétaire.»
Le problème des frais bancaires
Ces économistes ne s’attendent pas non plus à voir les autres banques prendre le train en marche, même si cela avait le cas dès la fin 2015. A leur avis, c’est surtout l’institut soleurois qui prend un risque sur son cœur de cible que sont les particuliers, bien que l’impact soit finalement limité par rapport aux frais bancaires. A titre d’exemple, un montant de 2,50 francs sera prélevé au titre de l’intérêt négatif sur un compte alimenté à hauteur de 1000 francs.
Pour la Fédération romande des consommateurs (FRC), c’est bien plus la question des frais bancaires qui pose problème. Comme le demande son responsable politique économique Jean Busché, il faudrait une claire séparation entre les frais couvrant les coûts et les frais liés à la variation des taux d'intérêt qui rémunèrent, ou non, le capital.
La BNS applique depuis 2015 un taux d'intérêt de -0,75% pour les dépôts en comptes de virement des banques, au-delà d'un certain seuil fixé. Le dispositif a été allégé en novembre 2019, l'institut d'émission ayant adapté la base de calcul pour le prélèvement. (avec AWP)
Correction le 3 juin 2021 à 10h :
L’article cite des éléments d’AWP et non de l’ATS comme précédemment indiqué
