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Les leçons de l’affaire Flowbank

ÉDITORIAL - La justice genevoise a levé des mesures super-provisionnelles imposées depuis octobre contre «L’Agefi». Une atteinte intolérable à la liberté de la presse, et dommageable aux clients et employés de la néobanque.

«La légèreté avec laquelle ce type de mesures provisionnelles peuvent être décidées est très préoccupante.»
KEYSTONE
«La légèreté avec laquelle ce type de mesures provisionnelles peuvent être décidées est très préoccupante.»
27 juin 2024, 20h30
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La liberté de la presse en a pris un coup. Il aura fallu plus de huit mois de combat pour que les mesures super-provisionnelles imposées à L’Agefi et à ses lecteurs en octobre dernier à la demande de Flowbank soient finalement levées mercredi. Il s’agit d’une victoire importante, non pas tant contre la néobanque désormais en faillite, qu’en faveur des médias et de l’information du public en général. Cette affaire a pourtant de quoi inquiéter. Il importe donc d’en tirer les leçons.

Décidée par le juge d’appel de la Cour de justice de Genève, la levée de ces mesures nous autorise à remettre en ligne deux articles, jusqu’ici censurés, et d’écrire à nouveau sur Flowbank. L’établissement s’opposait à ce que L’Agefi fasse son travail, c’est-à-dire documenter la vie de la place économique suisse sur la base d’éléments factuels, réunis avec précaution et présentés de la manière la plus objective possible. A ceux qui souhaitent le vérifier, ces contenus sont en libre accès ici et . La décision incompréhensible d’un premier juge les avait pourtant fait disparaître et nous avait muselés, taisant jusqu’à l’existence des mesures provisionnelles. Peu importe si nous citions notamment le propre rapport annuel de la banque, un document qui doit être rendu public, comme l’exige la loi.

Bien sûr, ces informations ne décrivaient pas la banque, lancée il y a à peine quatre ans, sous son meilleur jour, puisque ce rapport mettait en lumière ses difficultés financières et organisationnelles. Quel projet entrepreneurial ne rencontre pourtant pas de défis à ses débuts? Pourquoi ne pas les expliquer et esquisser les solutions envisagées? En réponse à ces questions, la banque et, plus encore, un premier juge ont préféré cacher la vérité aux clients, aux employés, aux partenaires, aux autorités, confondant de manière surréaliste dénigrement avec exposé des faits et de leur contexte.

Les médias jouent un rôle crucial dans le bon fonctionnement de l’économie libérale que défend «L’Agefi» et qui fait le succès de la Suisse

Frédéric Lelièvre

Huit mois plus tard et une faillite décidée par la Finma, notamment sur la base d’informations que nous relations, voici la leçon principale à tirer de cette affaire: les médias jouent un rôle crucial dans le bon fonctionnement de l’économie libérale que défend L’Agefi et qui fait le succès de la Suisse. La censure n’aurait jamais dû s’appliquer. Elle a certainement coûté cher à certaines des parties concernées.

La légèreté avec laquelle ce type de mesures provisionnelles peuvent être décidées est très préoccupante. Le déséquilibre des forces financières en présence – une banque contre un média – illustre la menace qui pèse sur la liberté d’informer. Seule notre insistance auprès du juge d’appel pour obtenir une décision d’urgence, après la mise en faillite, ainsi que les articles de nombreux confrères, ont permis de mettre un terme à cette situation qui n’avait que trop duré.

Ce coûteux combat s’imposait depuis le début. Impossible de nous résigner à ce que ces mesures provisionnelles et l’action intentée contre L’Agefi puissent former une nouvelle jurisprudence qui aurait menacé en réalité tous les journalistes, tous les médias.

La dernière leçon à tirer de cette affaire concerne la Finma. La mise en faillite de Flowbank a pu être présentée comme le signe d’un serrage de vis de sa part, symbolisant l’arrivée de son nouveau directeur. Force est d’admettre que dans ce cas que L’Agefi connaît de l’intérieur, il n’en est rien. L’autorité de surveillance veillait au grain depuis déjà 2021. Elle avait d’ailleurs pris une série de mesures afin de préserver aussi la réputation de la place financière dans son ensemble des dégâts d’image provoqués par la défaillance d’un de ses éléments.