Après plusieurs reports, la réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF) a finalement bien eu lieu à Davos. Créé il y a une cinquantaine d’années, le WEF s’est rapidement imposé comme un événement majeur.
Cette organisation a bien sûr des concurrents, par exemple le Boao chinois ou les conférences du Milken Institute. Néanmoins, aucun de ces événements n’a ce que le Professeur Klaus Schwab, fondateur et Executive Chairman du WEF, appelle le "convening power". Autrement dit, la capacité d’attirer des grands leaders, y compris une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement la semaine passée. Et cela malgré l’absence inhabituelle des leaders suprêmes des Etats-Unis, de Chine, du Japon, de France ou de Russie. Et quand bien même la guerre en Ukraine ne faiblit pas malgré la tenue du WEF. A mon avis, le "convening power" et l’impact du WEF restent sans pareille.
En tant qu’habitué des événements du WEF, en Suisse et à l’étranger, permettez-moi de vous livrer mon analyse concernant les raisons du succès de cette fondation.
Depuis ses débuts, le WEF a adopté une approche "multi-stakeholders" (multi-parties prenantes) qui correspond à une véritable nécessité puisque les grands défis mondiaux sont multidisciplinaires. C’est pour cette raison que le WEF réunit non seulement des représentants des gouvernements et du secteur privé mais également de nombreuses personnalités de la société civile.
Secundo, le financement du WEF est avant tout assuré par des grandes entreprises, notamment les strategic partners (environ 600.000 francs par an). Ce modus operandi permet à des leaders du secteur privé de s’impliquer dans des grandes discussions sur l’avenir de la planète; de plus, cela leur donne l’occasion de rencontrer des dirigeants politiques et d’autres chefs d’entreprises. En outre, ces strategic partners organisent souvent à Davos des événements annexes à l’attention de leur clientèle.
Le WEF fait beaucoup d’efforts pour impliquer les futurs leaders
Philippe D. Monnier
Tertio, le WEF sélectionne avec soin les participants à ses événements, notamment des leaders actuellement en poste plutôt que des anciennes gloires. Dans ce même registre, le WEF a défini un système de badges assez subtil. Les participants «normaux» reçoivent un badge blanc avec une bande bleue mais, parmi ces badges, il existe une multitude de variations. Par exemple, les présidents de pays arborent un signe doré alors que les strategic partners ont droit à un point bleu sur leur badge. Finalement, les super-vedettes du type Donald Trump ne portent aucun badge.
Quarto, le WEF fait beaucoup d’efforts pour impliquer les futurs leaders, notamment en sélectionnant chaque année une centaine de Young Global Leaders. Un cas d’école est celui d’Angela Merkel, repérée très tôt par le WEF.
Quinto, le WEF fait preuve d’une grande capacité d’évolution. Tout ce qui a du succès hors du WEF finit souvent par être intégré par le WEF. Je pense par exemple à Greta Thunberg.
Le modèle d’affaires du WEF a aussi considérablement évolué: à l’organisation d’événements, le WEF a rajouté la gestion de communauté (de plus en plus en ligne, Covid oblige), la création de contenu et la réalisation de projets ou d’autres initiatives du type First movers coalition.
Finalement, le fondateur du WEF a très rapidement compris le rôle clé de la presse pour renforcer l’impact et le "convening power" de sa fondation.