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Une nouvelle fuite des cerveaux

Pour la troisième fois en trente ans, la Suisse affronte le départ de ses talents. La réponse est une nouvelle fois différente. Par Xavier Comtesse et Philippe Grize

L'UE n'est pas la seule à pénaliser la recherche suisse et à faire partir les talents d'institutions comme l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.
KEYSTONE
L'UE n'est pas la seule à pénaliser la recherche suisse et à faire partir les talents d'institutions comme l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.
Xavier Comtesse
Manufacture Thinking - Mathématicien et président
Philippe Grize
Administrateur indépendant
03 janvier 2023, 14h00
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Quand l’innovation va mal, les cerveaux fuient. La Suisse a connu trois de ces vagues («brain drain») en septante-cinq ans.

La première vague a eu lieu juste après-guerre, quand beaucoup de scientifiques européens ont gagné les Etats-Unis où l’argent coulait à flots par le biais de la NSF (National Science Foundation) qui venait d’être créée. L’Amérique croyait à la science et à la technologie car ces dernières avaient produit les armes modernes, notamment la bombe atomique. La Suisse a répondu à cette fuite de cerveau par la création en 1952 de son propre Fonds national de la recherche scientifique. On a ainsi transformé les professeurs en enseignant/chercheur comme dans le modèle de l’Université de Humboldt et l’hémorragie a cessé car l’argent versé par le Fonds national suisse (FNS) a pris le relais.

La seconde vague a eu lieu après le refus par la population d’adhérer à l’Espace économique européen (EEE) en 1992. Immédiatement, les scientifiques se firent exclure des programmes-cadres de recherche européens. La Suisse compensa par des subventions directes puis par une négociation sectorielle des bilatérales avec l’Union européenne (UE) pour regagner les rangs de la recherche européenne, mais surtout par un effort sur le transfert technologique, les parcs scientifiques et les start-up et des initiatives comme les Swissnex en autres. Dès lors, le monde académique découvrait le monde économique à travers celui des start-up et une troisième mission leur a été confiée, celle du transfert technologique, créateur de valeurs. Ces différentes mesures relancèrent complètement la Suisse qui est devenue une nation de l’innovation.

La troisième vague vient de commencer… Des signaux faibles apparaissent de plus en plus dans les médias pour signaler les prémisses d’un problème à venir. Des chercheurs quittent l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) selon son président, Martin Vetterli, cité dans Bilan; la rectrice des HES-SO le confirme au Temps, toute une équipe d’informaticiens de haut niveau de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) est partie cet été pour Munich; 400/500 chercheurs (ou conducteurs de projets de recherche) n’ont plus d’emploi suite à l’exclusion de la Suisse du programme Horizon de l’UE, ce qui équivaut à une perte de 650 millions de francs; Novartis réduit son personnel scientifique à Bâle, idem chez les start-up où Sofia Genetics bouge petit à petit vers Boston et ID Quantique vers Vienne.

La Suisse a toujours fait comme les Américains, avec généralement une décennie de retard

Ce n’est pas encore l’hémorragie, mais cela le deviendra si la Confédération ne réagit pas. Il est temps de reconsidérer les raisons: 1-l’UE qui pénalise le monde scientifique suisse; 2-les Etats-Unis qui cherchent à attirer les entreprises innovantes à travers l’IRA (Inflation Reduction Act); 3-l’Asie qui pousse la technologie comme vecteur de croissance, en Chine, en Inde, en Corée du Sud et à Taïwan pour ne citer que ces quatre nations innovantes.

Que faut-il faire? A chaque crise du «brain drain», il a fallu mettre de l’argent sur la table. C’est simple mais encore faut-il savoir intervenir où, quand et comment pour que l’impact soit optimum.

Si dans la première vague, la Confédération avait mis de l’argent pour les scientifiques et la recherche fondamentale, et dans la seconde vague pour les start-up, il faut, cette fois-ci, le diriger directement vers les industries innovantes. C’est ce que font les Etats-Unis. Ne nous leurrons pas, la Suisse a toujours fait comme les Américains, avec généralement une décennie de retard. Donc sous la Coupole lançons un concept d’«Innovations Standort Schweiz» pour les PMI.