La pression sur la Banque centrale européenne (BCE) était forte: après que le niveau record d’inflation dans la zone euro de 8,6 % en juin, tout le monde s’attendait à l’annonce d’une hausse des taux directeurs. D’autres banques centrales, comme la Banque nationale suisse (BNS) ou la Réserve fédérale américaine (Fed), y avaient déjà procédé bien plus tôt. Les décideurs de Francfort se sont donc retrouvés au pied du mur et ont essuyé de nombreuses critiques pour leurs atermoiements.
Les banques centrales font face à un dilemme: elles veulent et doivent lutter contre l’inflation, dont leur politique monétaire extrêmement souple est au moins en partie responsable. Mais de l’autre côté, elles craignent qu’un freinage trop brutal ne plonge l’économie dans la prochaine récession.
La BCE a encore une autre raison d’être prudente: elle craint que des taux en hausse ne mettent en difficulté des pays fortement endettés comme la Grèce et l’Italie, faisant ressurgir une crise de la dette comme en 2012. Une crainte justifiée, car avec la pandémie, la dette de ces deux pays a encore augmenté. Avec l’incertitude croissante, le rendement des emprunts publics italiens à dix ans a récemment grimpé en flèche – un signe révélateur que les risques augmentent. La démission du premier ministre Mario Draghi arrive donc au pire moment, car elle ne fera que renforcer l’incertitude.
Pour limiter la fragmentation financière au sein de la zone euro et éviter une prochaine crise de la dette, la BCE a introduit un nouvel outil, l'«instrument de protection de la transmission» (IPT). Ce programme lui permet d’intervenir, si nécessaire, en achetant des obligations de certains pays endettés en cas de hausse excessive de leurs coûts d’emprunt.
La Banque centrale européenne envoie un mauvais signal aux gouvernements des pays fortement endettés
Corine Fiechter
Un instrument comme l'IPT comporte de grands dangers. Premièrement, la BCE s’éloigne ainsi toujours plus de son rôle de banque centrale indépendante vouée à la stabilité des prix. Au lieu de cela, elle se mue en acteur politique qui décide quel gouvernement sauver ou non.
Deuxièmement, cela envoie un mauvais signal aux gouvernements des pays fortement endettés. Ils peuvent continuer de se soustraire aux réformes structurelles indispensables et laisser leurs autres devoirs urgents en plan car, dans le pire des cas, ils seront sauvés par la BCE. Dans ces conditions, il y a peu de chances que les pays du sud de l’Europe, accablés par la dette, s’en sortent.