Nous les voyons chaque jour, mais nous les ignorons. Et pourtant, sans eux il n’y a pas de mobilité électrique, les usines sont à l’arrêt et l’électricité renouvelable n’arrive pas jusqu’à nos prises. Les réseaux sont les grands oubliés des discussions sur l’approvisionnement électrique, alors que leur mise à jour est indispensable. Selon la Confédération, cela pourrait coûter jusqu’à 3 milliards de francs par an, avec une hausse de 70% des frais facturés aux petits consommateurs. Mais il y a des alternatives moins coûteuses, si nous mettons en place les bons jalons pour les concrétiser.
Les réseaux sont les veines et les artères de notre alimentation électrique. En l’état, l’infarctus les guette, car ils sont inadaptés aux changements en cours du côté de la production et de la consommation. Pour faire baisser drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, nous aurons en effet besoin de bien plus d’électricité, surtout pour nous chauffer et nous déplacer. La consommation pourrait passer de 60 milliards de kilowattheures aujourd’hui à 80 ou 90 d’ici à 2050.
Mieux vaudrait éviter que tous les véhicules électriques soient rechargés en même temps le soir, au retour du travail
Dominique Rochat
Le réseau devra se renforcer un peu partout, pour absorber une production très dispersée, essentiellement basée sur le photovoltaïque. Le tempo de la consommation changera aussi fortement, avec, par exemple, de gros appels de courant pour charger les batteries des véhicules. Pour donner un ordre de grandeur, le scénario de référence de la Confédération prévoit qu’au niveau des consommateurs le réseau de distribution subira une charge 50% plus élevée qu’aujourd’hui.
Face à ces besoins, qu’attendons-nous pour lancer les travaux? Pas si vite! Car les scénarios montrent aussi qu’il est possible de baisser nettement les besoins d’investissement et donc la facture pour les consommateurs. A contrario, des décisions erronées les pousseraient à la hausse.
Pour résumer, il s’agit d’introduire davantage d’intelligence dans le système, par des moyens techniques et des incitations judicieuses. Ainsi, mieux vaudra éviter que tous les véhicules électriques soient rechargés en même temps le soir, au retour du travail. Pour ce faire, il y a au moins trois pistes à suivre:
1. La digitalisation du système doit subir une accélération massive, pour le piloter plus finement. La Suisse a pris un très gros retard en la matière. Une pression politique et l’ouverture du marché des mesures donneraient l’impulsion nécessaire.
2. Il faut mettre en place des règles qui incitent à construire mieux, plutôt que de construire plus. Le réseau du futur doit être optimisé en fonction des besoins, ce qui ne sera pas simple, car il est en main de centaines d’entreprises et de collectivités, qui peuvent compter sur une rémunération fixée par l’Etat.
3. Davantage de vérité des coûts contribuera à orienter les décisions dans la bonne direction.
L’approvisionnement électrique est une chaîne dont tous les maillons doivent tenir. Il est plus que temps de renforcer intelligemment celui du réseau et pas seulement se focaliser sur la production.