C’est contre-intuitif, mais le dernier rapport d’Oxfam, intitulé «Changer de cap pour la justice sociale», chante un peu les louanges du système fiscal suisse. Pourquoi? Parce que notre fiscalité est progressive et redistributive! L’ONG anticapitaliste invite à revoir la fiscalité pour privilégier les bons aux mauvais impôts.
Ainsi, une TVA lourde est mauvaise, parce qu’elle impacte surtout les bas revenus. Des impôts sur le revenu sans véritable progressivité ou des impôts très bas sur les revenus du capital sont aussi critiqués. L’absence d’impôt sur la fortune est jugée problématique. A l’échelle mondiale, le fardeau est ainsi mal réparti, 44% des impôts étant prélevés sur la consommation, 41% sur les salaires et les bénéfices des entreprises, et tout juste 4% sur la fortune.
En réalité, les grands principes fiscaux recommandés par Oxfam sont largement appliqués en Suisse. Reprenons:
- L’impôt sur le revenu est très progressif, notamment au niveau fédéral; un pourcent des contribuables s’acquitte de près de la moitié des recettes et 50% ne paient presque rien;
- Les impôts sur les revenus du capital: en Suisse, ils sont progressifs et s’ajoutent aux revenus; lorsque l’impôt sur le revenu ne s’applique pas, c’est l’impôt sur la fortune qui frappe. Ce dernier est une spécificité suisse: de nombreux entrepreneurs suisses ne l’aiment pas, car il est lourd et prélevé indépendamment de l'existence d'un bénéfice;
- L’impôt sur les bénéfices des entreprises: il représente, proportionnellement, une plus grande part des recettes fiscales que dans d’autres pays; avec la mise en œuvre de l’imposition minimale de l’OCDE, il augmentera en outre à 15% pour les grandes entreprises multinationales;
- Enfin, la TVA: aucun autre pays industrialisé ou presque n’applique des taux aussi bas que la Suisse.
Vu avec les lunettes d’Oxfam, le système fiscal suisse est donc plutôt «bon»: les impôts sur le revenu et sur les sociétés (ainsi que les cotisations sociales, en partie assimilables à des impôts) génèrent l’essentiel des recettes fiscales (67%). Moins d’un quart (22%) provient de l’imposition de la consommation et l’impôt sur la fortune contribue relativement fortement aux recettes (7%).
La fiscalité ne doit pas être confiscatoire, sous peine de provoquer des dégâts
Vincent Simon
Par honnêteté, mentionnons qu’Oxfam réclame aussi, notamment, un impôt sur les superprofits et d’autres choses qui, pour l’essentiel, créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.
Ce n’est donc pas tant la Suisse, pour reprendre le langage d’Oxfam, qui doit «changer de cap», mais d’autres pays qui pourraient éventuellement s’inspirer de nous. Mais prévenons-les immédiatement: en toute chose, il faut veiller aux équilibres.
La fiscalité ne doit pas être confiscatoire, sous peine de provoquer des dégâts. Les citoyens genevois auront l’occasion en mars de trancher, notamment sur une initiative de gauche qui veut rétablir la double imposition complète (bénéfices et dividendes) des entrepreneurs. Ça aussi, c’est un mauvais impôt. Il convient d’éviter de tomber dans cet autre extrême.
L’article original, signé par Frank Marty, membre de la direction d’Economiesuisse, a été publié dans la NZZ du 13 février 2023.