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Risques de pénurie et risques climatiques: accélérer la transition énergétique

Durant trop longtemps, le traitement des sujets environnementaux a été considéré comme un luxe. Par René Longet

«On peut comprendre que ce ne soit pas le meilleur moment d’arrêter des centrales existantes. Mais de nouveaux réacteurs ne seront fonctionnels que dans une décennie au mieux.»
KEYSTONE
«On peut comprendre que ce ne soit pas le meilleur moment d’arrêter des centrales existantes. Mais de nouveaux réacteurs ne seront fonctionnels que dans une décennie au mieux.»
René Longet
Expert en développement durable
07 septembre 2022, 7h00
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On croit rêver: alors que depuis des décennies - première crise du pétrole en 1973, premières alertes sur le climat en 1978 - on parle de mieux utiliser l’énergie, il a fallu une réelle menace de pénurie pour qu’on se décide à prendre les enjeux de l’énergie et du climat un peu plus au sérieux. Durant toutes ces années, les sujets dits environnementaux ont été considérés comme «nice to have», un luxe voire une gêne, mais très peu comme des bases de nos existences, comme une invitation à mieux gérer le capital naturel.

Le rêve devient cauchemar quand on voit de nombreux pays, faute d’avoir suffisamment agi sur la demande et de s’être suffisamment tournés vers les énergies renouvelables, en être réduits à relancer des centrales au charbon ou à l’huile lourde. On s’éloigne dangereusement des objectifs de l’Accord de Paris au moment même où incendies massifs, sécheresses dramatiques et inondations catastrophiques soulignent la réalité du dérèglement climatique. En Suisse, des organisations économiques sont prêtes, devant le risque de pénurie, à accroître le risque climatique (cf les annonces de Swissmem de la fin août).

La pénurie n’est que le résultat de la mollesse de l'application de la stratégie énergétique fédérale

René Longet

D’autres (ou les mêmes) réactivent le mythe nucléaire. On peut comprendre que ce ne soit pas le meilleur moment d’arrêter des centrales existantes. Mais de nouveaux réacteurs ne seront fonctionnels que dans une décennie au mieux, l’EPR français a déjà multiplié par six ses coûts, la fusion pour laquelle la Suisse dépense 25 millions de francs par an est loin d’être prête, et on ne sait toujours pas comment désactiver les déchets radioactifs qui s’accumulent. Et où implanterait-on des réacteurs, dans un pays où il est quasiment impossible d’installer d’innocentes éoliennes qu’on peut démonter en quelques semaines?

Non décidément, il n’y a pas d’autre chemin que d’accélérer la transition, celle que nous avons votée en mai 2017 en adoptant la stratégie énergétique fédérale, dont d’aucuns se plaisent à souligner l’échec qu’ils ont eux-mêmes provoqué en sabotant sa mise en œuvre… La pénurie n’est que le résultat de la mollesse de son application.

Aujourd’hui on en est à recommander des évidences comme arrêter les stand-by, n’utiliser que les programmes économiques de nos machines à laver, prendre davantage le bus et le train, chauffer moins, généraliser les capteurs solaires. Toutes choses sans impact sur nos modes de vie mais qui, mises bout à bout, éviteraient que les entreprises, dont beaucoup s’appliquent déjà des programmes de fitness énergétique, soient les seules à payer la note de nos faiblesses.

Trente cinq ans après la démonstration par Adolf Ogi de comment cuire un œuf sans trop dépenser d’énergie, son lointain successeur Guy Parmelin en est réduit à nous dire comment régler nos chauffages…

Et que ces bonnes habitudes restent désormais inscrites dans nos réflexes et dans nos lois, car la sobriété énergétique et la récolte des énergies renouvelables disponibles autour de nous sont les seuls remèdes à la fois aux pénuries géopolitiques et aux risques climatiques.