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Réforme fiscale de l’OCDE: le pragmatisme doit s’imposer

L’imposition minimale sera mise en œuvre par près de 140 pays. La Suisse ne souhaite pas donner une image fausse de ses intentions. Par Philippe Hebeisen

En cas de non, «la Suisse risquerait de voir 1 à 2,5 milliards de recettes fiscales supplémentaires lui échapper.»
KEYSTONE
En cas de non, «la Suisse risquerait de voir 1 à 2,5 milliards de recettes fiscales supplémentaires lui échapper.»
Philippe Hebeisen
Economiesuisse - Vice-président
23 mai 2023, 19h00
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Nous voterons le 18 juin sur l’imposition minimale des grandes entreprises multinationales. Les médias n’ont pas manqué de remarquer à cette occasion une apparente contradiction: les milieux économiques, mais aussi les partis de droite et de centre droit, acceptent la hausse d’impôt qui frappera les grandes entreprises, tandis que le Parti socialiste la refuse.

Même s’il est vrai que les milieux économiques n’auraient pas pris l’initiative d’une imposition minimale à 15%, leur soutien s’explique par pragmatisme: l’imposition minimale sera mise en œuvre par près de 140 pays et la Suisse ne souhaite pas donner une image fausse de ses intentions. Les entreprises concernées n’y trouveraient aucun avantage, car ce qui ne serait pas prélevé dans notre pays le serait à l’étranger, sur les sociétés ou les filiales des groupes par le biais de procédures fiscales supplémentaires. Et la Suisse risquerait de voir 1 à 2,5 milliards de recettes fiscales supplémentaires lui échapper.

Le Parti socialiste suisse est moins pragmatique: il a expliqué le 11 mai qu’il voyait l’imposition minimale d’un œil très favorable, tout en expliquant qu’il en prônait le rejet. Ce positionnement suscite de l’incompréhension et l’on voit bien dans les sondages que les électeurs qui se disent proches de ce parti pensent tout le contraire. En réalité, le PS est fâché avec la répartition des recettes, dont il veut octroyer 50% (au lieu de 25%) à la Confédération, et ainsi à la «population suisse tout entière».

Le PS est pris au piège de son propre narratif, pour avoir répété à l’envi que «les multinationales ne paieraient pas leur dû»

Philippe Hebeisen

Toutefois, cette proposition mène à une impasse. En effet, il faut se souvenir du mécanisme prévu: si l’imposition de l’entreprise est inférieure à 15%, le canton devra prélever un impôt complémentaire dont il versera 25% à la Confédération. Mais si ce même canton augmente son imposition ordinaire à 15%, il n’a pas à prélever d’impôt complémentaire; il n’a donc rien à verser à la Confédération et il conserve les revenus. C’est ce qu’a fait Neuchâtel, qui a introduit fin 2022 un impôt progressif sur le bénéfice. Cela lui a permis dans la foulée de prendre plusieurs mesures en faveur de la population, dont une correction fiscale et l’annulation de la hausse du prix de l’eau. Le canton de Zoug, objet de toutes les critiques du Parti socialiste, pourrait en faire de même en cas de rejet de l’imposition minimale en juin. Dans un tel scénario, la Confédération toucherait au final moins d’argent que dans la formule soumise à votation!

La probabilité d’un refus de l’objet est très faible, les sondages en témoignent. En outre, certaines sections cantonales du PS prônent le oui, de même que des sections des Verts, le parti national laissant pour sa part la liberté de vote. Le PS est pris au piège de son propre narratif, pour avoir répété à l’envi que «les multinationales ne paieraient pas leur dû». C’est évidemment faux, mais tenu pour vrai par une partie de l’opinion publique qui, pour cette raison entre autres, glissera un oui dans l’urne.