A Genève, la politique bat son plein. Dans quelques semaines, les premières votations populaires et dans moins de deux mois les élections au Grand Conseil et au Conseil d’Etat. Cette période est toujours intéressante à suivre de près, car il en ressort régulièrement des données similaires utilisées de manière bien différente par les deux camps.
A titre d’exemple, la votation sur l’initiative «Contre le virus des inégalités… Résistons! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires», prévue le 12 mars prochain. Le postulat de base énonce qu’à Genève 1600 contribuables toucheraient 1 milliard de francs de dividendes par an, soit en moyenne 50.000 francs de revenus mensuels par contribuable «gagnés en dormant».
Il est important de remettre les choses dans leur contexte et ces deux dernières phrases méritent à elles seules quelques précisions. Tout d’abord, rappelons que ledit «gros actionnaire» est en réalité un «actionnaire qualifié», à savoir un contribuable qui détient 10% ou plus des actions d’une même société, et, soit dit en passant, à Genève, il s’agit généralement de l’entreprise dont il est le propriétaire et dans laquelle il travaille.
La majorité des dividendes ne sont pas le fait d’une rente de situation ou de l’argent gagné en dormant
Karine Curti
Ensuite, et plus problématique encore, cette moyenne grossièrement articulée de «50.000 francs mensuels» de dividendes versés pour chacun de ces actionnaires qualifiés. Un chiffre qui mérite également précision.
Pour l’année 2020, un peu plus de la moitié (51,5% pour être précis) des actionnaires qualifiés genevois ont reçu entre 0 et 100.000 francs annuels de dividendes, selon les derniers chiffres fournis par l’Administration fiscale cantonale (AFC). En englobant ceux ayant touché entre 0 et 250.000 francs de rétribution annuelle, le pourcentage s’élève même à 77% (1344 contribuables). Ce qui veut bien dire que plus des trois quarts des actionnaires qualifiés genevois – autant dire la large majorité! – ne perçoivent pas le montant de 50.000 francs de revenus mensuels.
Ces deux exemples démontrent qu’il est toujours intéressant de s’interroger sur la manière dont les chiffres sont exploités et nous rappellent la nécessité de pousser la réflexion un peu plus loin. Ils soulignent également la dangerosité de tirer des conclusions hâtives!
Dans le cas présent, la majorité des dividendes ne sont pas le fait d’une «rente de situation» ou de «l’argent gagné en dormant», mais bel et bien le fruit du travail quotidien d’entrepreneurs et d'entrepreneures genevois, étant entendu que 99% des entreprises à Genève sont des PME (dont les trois quarts en mains familiales).
En laissant entendre que nos entrepreneurs toucheraient de l’argent sans rien faire, c’est un signe de mépris pour leur travail qui leur est envoyé. Genève devrait plutôt se réjouir de pouvoir encore compter sur son territoire des acteurs qui participent à son dynamisme, car d’autres régions s’activent pour les attirer.