Cette question surgit avec à-propos, au moment où Gilles Marchand quitte son poste. Comme il a défendu le budget actuel pour remplir correctement cette mission, il s’est heurté à une volonté politique antinomique. Mais laquelle exactement?
La réponse a été donnée par Gregor Rutz conseiller national UDC, membre du comité d’initiative «200 francs ça suffit». Selon lui et sa mouvance politique: «S’il existe un secteur privé moins cher et plus efficace, alors il faut lui confier des tâches. Et celles que le privé ne peut pas faire peuvent être assumées par le public.» En un mot, la SSR ne peut avoir qu’un rôle subsidiaire et palliatif. Encore faudrait-il circonscrire ce que c’est que l’information. Est-elle ce qui comble l’économie? Quelles sont les informations importunes?
Exemple: voici très longtemps l’émission A Bon entendeur, de la RTS, a dénoncé une pratique inimaginable à l’époque de la Coop et de Migros, entreprises affichant une haute vertu consommatrice: la substitution des étiquettes de péremption sur les viandes pour en allonger le délai de vente. L’empreinte publicitaire de ces deux entreprises sur les médias privés aurait pu entraîner la rétention de cette information qui n’était jamais sortie auparavant.
Aujourd’hui un débat reprend sur le nucléaire. Il est difficile de transmettre un dossier contre cette énergie sans disposer d’une liberté totale de rédaction.
Si les médias appartiennent à des groupes privés ou encore s’ils sont obligés de se financer en publiant de la publicité, cette liberté est entravée
Jacques Neirynck
La liberté de la presse est un principe fondamental des démocraties. Dès qu’une dictature monte en puissance, elle s’attaque en premier lieu aux journalistes dont le travail la gêne. Mais même en démocratie, il ne suffit pas d’une liberté formelle, sans les moyens. Si les médias appartiennent à des groupes privés ou encore s’ils sont obligés de se financer en publiant de la publicité, cette liberté est entravée. Un service public de l’information idéal devrait pouvoir se passer de la publicité. Car qu’est-ce que la publicité? Le plus souvent, ce n’est pas de l’information objective sur les produits et services mais son orientation pour pousser à la consommation.
En élargissant la focale, quel est le problème le plus important de la consommation actuellement? Conduire une transition climatique rationnelle, minimiser le gaspillage, restreindre les envies factices. C’est un dessein primordial si l’on veut assurer la survie de l’espèce. Or la production de CO2 non seulement ne diminue pas, mais elle continue à croître, par l’effet mécanique d’une population grandissante et d’une économie en quête de nouveaux marchés. Il est oiseux de s’étonner de ce déterminisme de la croissance à tout prix et de la pollution sans frein, si l’on ne scrute pas l’origine du mécanisme, une population désinformée.
Il existe un service public de la formation, largement financé par les contribuables. On n’imagine pas, du moins en Suisse, des manuels scolaires qui comporteraient des pages de publicité ou des séances obligatoires de visionnement de spots publicitaire ou des distributions gratuites de friandises. Et c’est très bien que l’on protège ainsi les enfants. Ne faut-il pas en agir de même avec les adultes? Pouvons-nous remettre une partie des opérations de la RTS entre des mains privées?