Lorsque fut ouverte par la Compagnie du «Jura industriel», le 2 juillet 1857, la première ligne de chemin de fer de la chaîne du Jura suisse entre La Chaux-de-Fonds et Le Locle (les deux hauts lieux de l’industrie horlogère suisse de l’époque), la plus ancienne voie ferrée de Suisse (Zurich-Baden) n’avait que dix ans d’existence. La Suisse avec ses 400 douanes et péages internes n’arrivait pas à construire des infrastructures ferroviaires vitales à l’industrie alors que l’Angleterre (10.000 km) et l’Allemagne (6000 km) avaient déjà des réseaux ferroviaires denses. Ce sont les radicaux qui impulsèrent le changement dans la nouvelle Constitution de 1848 en libérant la circulation des marchandises dans le pays.
Ainsi, la première révolution industrielle put se déployer petit à petit dans le pays amenant travail et richesse à la Nation. La Suisse se réveillait et dans la foulée créa l’école polytechnique de Zurich (1855), indispensable à l’essor technologique et la première grande banque du pays (indispensable au financement industriel): Credit Suisse (1856)! Les radicaux suisses majoritaires poussèrent les Chambres fédérales vers le choix de laisser à l’initiative privée le gigantesque financement et l’exploitation du réseau des chemins de fer.
Ce qui manque aux PLR, c’est un combat, celui de la quatrième révolution industrielle
Xavier Comtesse
L’industrie suisse qui ne dépendait alors pas tant de la machine à vapeur que des installations hydrauliques se voyait très nettement handicapée au niveau des transports (locomotive à vapeur). Par exemple, les montres qui s’exportaient déjà dans des proportions importantes (plus de 90% de la production du canton de Neuchâtel partait à l’étranger) comptaient sur le développement de ce moyen de transport révolutionnaire pour être totalement relié au monde commercial.
Les débuts du déploiement ferroviaire furent catastrophiques: faillites à répétition et manque de vision globale conduisirent ces mêmes radicaux une quarantaine d’années plus tard à «nationaliser» les chemins de fer. Les Chemins de fer fédéraux (CFF) sont nés d’une première loi en 1891 (refusée par votation) et d’une seconde en 1897 (finalement acceptée par la population). Les cinq grandes compagnies qui se partageaient alors le territoire furent rachetées par la Confédération. En 1909, ce premier round de rachat fut terminé. Les CFF continuèrent par la suite à acquérir d’autres compagnies plus petites qui rencontraient à leur tour des difficultés. Aujourd’hui, il ne reste qu’une poignée de sociétés de chemin de fer indépendantes.
Tout paraît bien lointain et dérisoire. Et pourtant, la machine à vapeur et les chemins de fer ont forgé notre pays: du système politique (rapport de force confédération-canton: on le voit encore dans le cas du système de santé) au monde économique suisse (forte dépendance à l’innovation technologique), du système éducatif (toujours en lutte avec une compétition mondialement sans pitié) à notre interdépendance internationale (un franc sur deux provient de nos ventes à l’étranger).
Bref, les radicaux d’antan nous ont conduits vers ce pays relativement prospère mais qui vacille aujourd’hui fortement, un peu comme les radicaux suisses aux élections fédérales! Ce qui manque aux PLR, c’est un combat, celui de la quatrième révolution industrielle. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique.