… quand on peut faire compliqué. L’Office fédéral de la statistique (OFS) a commis une bourde révélatrice: il s’est révélé incapable de calculer les pourcentages obtenus par les partis au soir d’une élection fédérale. Or ce n’est pas compliqué du tout: il suffit d’additionner d’une part le total des voix exprimées et, d’autre part celui de chaque parti. Et ensuite, par une division, obtenir le pourcentage que cela représente. Avec une simple machine de bureau ce calcul devrait prendre une heure ou deux. On peut même se passer de machine. La qualification exigée de l’opérateur est celle d’un élève de l’école primaire.
Ce n’est pas cela qui fut fait. Trois cantons de Suisse centrale ont envoyé des fichiers Excel incompatibles avec le logiciel utilisé à l’OFS: pourquoi Excel pour transmettre deux chiffres? Ce transfert alambiqué de données n’avait pas été testé à l’avance. L’incompétence et la négligence du statisticien en charge déclenchèrent une erreur qui eut des conséquences politiques. L’image de la Suisse en est écornée.
Ce n’est pas la seule fois que la numérisation du pays a présenté des failles. Depuis plus de trente ans, le dossier électronique du patient n’a pas débouché sur une réalisation alors que c’est sans doute une façon efficace de réduire le coût de la santé en prévenant les doublons. De même, la sécurité face aux attaques informatiques est mise à mal de façon répétée jusque dans les administrations.
Avant l'informatique, les calculs simples étaient effectués simplement par des gens simples qui avaient réellement appris dans les classes primaires à calculer
Jacques Neirynck
Avant qu’il y eût l’informatique, les calculs simples étaient effectués simplement par des gens simples qui avaient réellement appris dans les classes primaires à lire, écrire et calculer. Depuis, le pédagogisme a fait rage et ces objectifs simples ont été noyés dans des méthodes de plus en plus compliquées et des cibles de plus en plus confuses. A titre d’exemple, on peut découvrir qu’un gymnasien n’est plus capable d’additionner des fractions ou encore que la trigonométrie ne lui est pas enseignée du tout (trop utile!).
Une des explications de cette déshérence se trouve dans le fédéralisme. La Suisse se permet le luxe de 26 systèmes d’enseignements différents à la libre appréciation de chaque canton, comme si la formation aux métiers actuels devait ou pouvait être ancrée dans le terroir. Toujours à titre d’exemple, le canton de Vaud s’est lancé dans l’entreprise démesurée et dispendieuse de développer ses propres manuels de mathématique, comme si le même objectif ne devait pas être fixé pour tous les élèves romands, comme si l’édition française n’était pas capable de fournir de tels manuels. Dans l’esprit de certains décideurs, il semblerait qu’il y aurait une spécificité de l’algèbre vaudoise incompatible avec l’algèbre genevoise ou française.
Quoi que nous en pensions, la Suisse n’est pas un champion de l’enseignement, si on le mesure aux résultats pratiques dans les industries de pointe. Nous aurions pu avec un peu de clairvoyance nous lancer dans l’informatique dès les années 60 pour régater à égalité avec la Silicon Valley. Il aurait fallu pour cela disposer d’un ministre fédéral de la formation en mesure d’imposer un programme unique dans tout le pays. On aurait eu des informaticiens moins prétentieux et plus adroits. Or, la Suisse a une armée strictement fédérale, pour des raisons évidentes. Pourquoi ne pas faire de même pour la formation?