Le dossier européen détient une triste particularité. Il s’agit d’un enjeu fondamental pour la Suisse, pourtant constamment occulté par une actualité brûlante, du Covid à la guerre en Ukraine, en passant par la sécurité d’approvisionnement énergétique. Même la communication longtemps attendue du Conseil fédéral du 21 juin a été éclipsée par la conférence de presse annonçant la démission d’Alain Berset. Pourtant, cette date était symboliquement forte, puisque la signature des premiers accords bilatéraux s’est déroulée un 21 juin, en 1999.
Plus de vingt ans après, il devient urgent d’agir. Comme l’a relevé récemment Avenir Suisse dans son monitoring, l’érosion des accords bilatéraux se poursuit. Si elle n’est pas assez perceptible pour déclencher une véritable prise de conscience, les conséquences se font déjà clairement sentir dans certains domaines, comme celui de la recherche. Les questions d’approvisionnement en énergie, au cœur de l’actualité ces derniers temps, ont mis en exergue les difficultés découlant de l’absence d’un accord bilatéral sur l’électricité. La Suisse prend ainsi des risques élevés en termes de stabilité du réseau et de sécurité d’approvisionnement.
L’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes est d’une importance capitale pour atténuer la pénurie marquée de main-d’œuvre qualifiée.
Catherine Lance Pasquier
Plus globalement, pour un pays dont la prospérité dépend des exportations et d’un accès sans discrimination au marché européen, il n’existe pas d’alternative à des relations stables et étroites avec l’Union européenne. L’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, pour sa part, est d’une importance capitale pour atténuer la pénurie marquée de main-d’œuvre qualifiée dans plusieurs secteurs.
A ceux qui utilisent le dossier européen pour justifier leurs revendications en matière de marché du travail, rappelons que le taux de chômage est historiquement bas et que la Suisse a mis en place un dispositif de protection des conditions de travail et de salaire qui a fait ses preuves, comme l’a souligné le Secrétariat d’Etat à l’économie dans son dernier rapport sur les mesures d’accompagnement. Un canton comme Genève, qui utilise pleinement ce dispositif de manière volontariste et en se basant sur une étroite collaboration entre l’État et les partenaires sociaux, peut témoigner de sa capacité d’adaptation et de son efficacité.
Aujourd’hui, au vu de l’interdépendance croissante entre la Suisse et l’Union européenne, le règlement des questions institutionnelles et le développement de la voie bilatérale sont indispensables. Nous ne pouvons dès lors que saluer le fait que le Conseil fédéral soit enfin sorti de son silence pour annoncer les paramètres d’un mandat de négociation avec l’UE, même si de nombreuses questions restent ouvertes et qu’il faudra attendre la fin de l’année pour son adoption.