Le 18 juin 2023, le peuple sera invité à s’exprimer sur une imposition particulière des grandes multinationales. En effet, à l’instigation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20, un impôt complémentaire devrait être levé pour les groupes d’entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires mondial d’au moins 750 millions d’euros et dont le taux d’imposition en Suisse est inférieur à 15%.
Il est difficile de s’opposer à cet arrêté fédéral. On ne va tout de même pas laisser les fiscs étrangers mettre la main sur la différence entre le seuil minimal de 15% et les taux pratiqués en Suisse, généralement (bien) plus bas. De plus, la gauche se frotte les mains à l’idée de recettes supplémentaires.
Dans le fond, mettre en place des conditions égalitaires pour fomenter une concurrence internationale est une idée séduisante, sur le papier du moins. Néanmoins, cet objet de votation génère moult inconvénients et pas seulement parce qu’un taux minimum découragera la rigueur budgétaire des administrations publiques (surtout lorsque ce taux augmentera, ce qui risque bien d’arriver).
S’agit-il d’une soumission polie à des puissances étrangères?
Philippe D. Monnier
Tout d’abord, l’arrêté propose d’inscrire dans la Constitution fédérale la nécessité de «tenir compte des normes et règles types internationales», quitte à «déroger à l’universalité de traitement». S’agit-il d’une soumission polie à des puissances étrangères? Force est de reconnaître que les parlements et les peuples sont de plus en plus forcés à accepter des règles internationales, souvent définies par des comités constitués de technocrates et d’experts non élus. Autre problème: la généralisation de mesures urgentes prises par le Conseil fédéral (cf. recours au droit de nécessité durant la pandémie et pour le sauvetage de Credit Suisse) commence à devenir inquiétante.
De plus, à la lecture de l’arrêté, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux nombreux risques de contournement (par exemple dû à des scissions artificielles de grands groupes?), à la bureaucratie supplémentaire (une comptabilité spéciale pour l’OCDE?) et au manque de clarté (le step-up sera-t-il pris en considération?) Et je ne parle même pas des infinies distorsions dans l’application de ces règles voire de leur non-application (et pas seulement dans les Etats non-signataires).
Ce qui est sûr, c’est que de nombreux Etats travaillent sans relâche pour mettre en place des moyens légaux de conserver leur compétitivité. En Suisse, on aurait pu abolir le droit de timbre. A Genève, la taxe professionnelle pourrait enfin disparaître. Certains Etats pourraient débourser des primes de formation pour chaque nouvel employé. Ou mettre, à la gracieuse disposition de certaines entreprises, des locaux, voire de nouvelles gares ou sorties d’autoroute. De toute façon, les grandes puissances vont certainement conserver leur Delaware, leur City ou leurs îles offshore.