Le 12 mars 2023, le peuple genevois sera convié à s’exprimer sur l’initiative populaire 179 (IN 179) «Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires». Et c’est toujours les mêmes débats dans les chaumières: plus d’imposition pour davantage de solidarité? Ou une fiscalité plus clémente pour plus d’activités économiques et, potentiellement, plus de justice sociale?
La question à un million de francs: dans quelle mesure une hausse fiscale entraînera-t-elle un exode des entreprises et/ou des personnes fortunées? Le problème, c’est que personne n’a de réponses précises à cette question car les décisions de délocalisation sont multifactorielles. Dans ce contexte, il est évident que la fiscalité genevoise est spécialement pénalisante; en revanche, le canton du bout du lac dispose d’une série d’atouts non fiscaux comme la qualité de la main-d’œuvre ou la fiabilité des infrastructures.
Le canton du bout du lac dispose d’une série d’atouts non fiscaux comme la qualité de la main-d’œuvre ou la fiabilité des infrastructures
Philippe D. Monnier
Pour tenter d’appréhender la question à un million, permettez-moi de vous faire part de mon expérience d’ancien responsable de la promotion économique de Suisse occidentale, en charge d’attirer des entreprises étrangères à haute valeur ajoutée. Pour mener à bien notre mission, nous avions développé des argumentaires extrêmement fouillés pour une quinzaine de secteurs ciblés (biotechnologie, technologies de l'information, finance, négoce, etc.) et pour une quinzaine de fonctions (siège européen, centre de recherche, production de haute technologie, gestion de la propriété intellectuelle…). Le tout était constamment mis à jour et s’étalait sur un millier de pages. Nous avions aussi préparé de multiples éléments de langages pour relativiser nos faiblesses.
En plus, nous avions également des informations détaillées sur… les faiblesses de nos concurrents, du type Irlande ou Pays-Bas. Citons, par exemple, un droit du travail peu flexible, une absence de fournisseurs qualifiés ou des mécontentements populaires susceptibles d’entraîner des hausses fiscales ou des changements de régime.
Chaque fois que nous étions face à une concurrence acharnée, nous n’hésitions pas à rendre les dirigeants des entreprises ciblées attentifs aux déficiences de nos concurrents, généralement avec de multiples documents à l’appui et moyennant suffisamment de doigté pour éviter un retour de flamme. Il faut reconnaître que les effets de ce modus operandi étaient diablement efficaces et que cela nous a permis d’attirer des nombres records de sociétés étrangères (sans avoir recours à des supercheries comptables).
Franchement, je serais étonné si Genève n’avait pas au moins un concurrent zélé qui tient à jour un dossier sur les points faibles de ce canton. Dans ce dossier, il y aurait naturellement une section intitulée «initiatives populaires [qui risquent bien de nuire un jour à la compétitivité économique genevoise]». Avec des titres aussi accrocheurs – et scandaleusement trompeurs – que celui de l’IN 179, ce dossier pourrait avoir des effets dévastateurs, même en cas de refus populaires.