• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Où sont passés les «Business Angels»?

Le financement des start-up a changé d’échelle. Par Xavier Comtesse et Philippe Labouchère

«Lorsque les start-up ont vu le jour dans la Silicon Valley, elles ont fait appel à des investisseurs individuels [...]. A cette époque, les besoins en argent pour le démarrage étaient peu élevés: quelques dizaines de milliers de dollars, rarement des millions.»
KEYSTONE
«Lorsque les start-up ont vu le jour dans la Silicon Valley, elles ont fait appel à des investisseurs individuels [...]. A cette époque, les besoins en argent pour le démarrage étaient peu élevés: quelques dizaines de milliers de dollars, rarement des millions.»
Xavier Comtesse
Manufacture Thinking - Mathématicien et président
Philippe Labouchère
Alumni de Swissnex Boston
10 octobre 2023, 15h00
Partager

Grands acteurs du financement des start-up au tournant du siècle, les «Business Angels» se sont faits plus discrets ces dernières années. Pourquoi? Trop de risques? Trop peu d’incitation fiscale? Trop de bureaucratie? Non, le niveau d’investissement requis aujourd’hui pour les start-up est tout simplement hors de leur portée, en particulier dans les technologies telles que l’IA. Explications

Un peu d’histoire

Commençons par un peu d’histoire. Le terme «Business Angels» trouverait son origine dans la scène musicale new-yorkaise de Broadway. Les producteurs qui souhaitaient lancer un nouveau spectacle recevaient des fonds d’investissement de la part de riches mécènes de la «ville haute», qui descendaient dans la «ville basse» comme des anges pour investir dans ces entreprises risquées.

Lorsque quelques décennies plus tard, les start-up ont vu le jour dans la Silicon Valley, elles ont fait appel à des investisseurs individuels que l’on a naturellement appelés par analogie des «Business Angels». A cette époque, les besoins en argent pour le démarrage étaient peu élevés: quelques dizaines de milliers de dollars, rarement des millions. Entre-temps, tout a changé dans les domaines géostratégiques tels que l’IA, le quantique ou les semi-conducteurs. Il faut désormais des centaines de millions, voire des milliards. Les «Business Angels» ne suivent plus, trop cher.

Deux exemples

Prenons deux exemples: d’abord Mistral, une start-up parisienne qui fabrique un modèle de langage performant de type ChatGPT et qui vient de lever plus de 100 millions d’euros de financement initial. Peut-elle vraiment rivaliser avec les très gros acteurs du domaine tels que Microsoft, Google, Amazon, Baidu et autres géants de la tech? Rien n’est assuré.

Considérons maintenant l’exemple d’OpenAI, la «licorne» californienne, inventeur de ChatGPT. Sans Microsoft, ils n’auraient jamais eu les moyens informatiques de créer leur modèle. Ainsi, les petits financements de l’ordre de centaines de milliers, voire du million, c’est d’un autre temps. Aujourd’hui les besoins en calcul sont tels que seuls les géants en ont les moyens. Adieu les «Business Angels». Mais alors que faire?

Pas de place pour les petits joueurs

Il faut revoir le modèle entrepreneurial de la start-up. Dans le monde de l’IA, qui est en définitive l’avenir pour tous les secteurs industriels, il n’y a pas de place pour les petits joueurs, car par exemple pour entraîner un modèle génératif il faut probablement un milliard ou plus. Regardez OpenAI, qui a reçu 10 milliards de Microsoft. On a changé d’échelle, on a changé de monde. Aujourd’hui, les financiers trop «chiches» ne sont plus capables de rivaliser avec les géants, même lorsque l’Etat s’en mêle.

En même temps, plus que du capital, nos jeunes entrepreneurs de la tech (bio, info, nano, etc.) ont besoin de capacités de calcul. C’est vraiment cela l’enjeu: plus que l’argent… les «puces». La solution serait donc une sorte de parc national de calcul, de très haute capacité, à la disposition de tous comme le sont aujourd’hui les infrastructures autoroutières. Le concept de «bien commun» change avec la civilisation. Autrefois c’était les lacs, les pâturages, puis les routes… Aujourd’hui, c’est la puissance de calcul!