Dans le cadre des Accords de Schengen, la Suisse doit augmenter sa participation au corps de garde-frontières Frontex en finances et en personnel. La gauche, qui s’y oppose, a lancé un référendum pour dénoncer les maltraitances envers les migrants. Nous voterons le 15 mai. Réaction selon les sondages? L’objet de votation est en légère hausse avec 62% de oui, 32% de non et encore 7% d’indécis.
La cause semble entendue.
Le peuple comprend que notre frontière ne se situe plus seulement aux limites de notre territoire mais qu’elle englobe en fait l’Europe (civilisée). L'espace Schengen fonctionne comme un territoire unique en matière de voyages internationaux et de contrôles frontaliers, où le franchissement des frontières intérieures par les personnes s'effectue en principe, sans passeport, sans contrôle.
C’est une solution pragmatique à un état de fait incontournable. Chaque matin, il n’est pas possible de contrôler les 175.000 frontaliers français qui viennent travailler en Suisse.
Notre frontière est moins une passoire qu’un tamis
Jacques Neirynck
Néanmoins reste le problème insoluble d’éviter que nous soyons envahis sans limite par des millions de ressortissants de pays pauvres, particulièrement en Afrique, sur lesquels l’Europe exerce un attrait compréhensible et irrésistible. D’où le report de la frontière aux bornes de l’Europe.
L’opinion publique est tiraillée entre les grands principes humanitaires et une dose honteuse de réalisme. Michel Rocard, bien que socialiste, avait résumé la résolution de ce dilemme dans la formule pragmatique: «La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde.» Citation tronquée car il ajouta aussitôt: «mais elle doit en prendre fidèlement sa part.»
Notre frontière est moins une passoire qu’un tamis. Elle laisse volontiers passer ceux qui sont assez semblables à nous, dont nous avons besoin, et retient les autres. S’il y a des infirmières parmi les Ukrainiennes ou des informaticiens parmi les Ukrainiens, elles ou ils sont les bienvenus.
Sur l’échiquier mondial, la partie se joue entre les grosses pièces qui font quelques cent millions d’habitants. Dès lors où sont les frontières de la Suisse sinon celle de Schengen? Que pèse-t-elle en dehors de son prestige historique et de sa fortune? Que pèserait-elle en cas de malheur, une guerre de derrière les fagots?
Notre véritable frontière se situe entre la Pologne et la Biélorussie, entre l’Italie et la Libye, entre la Grèce et la Turquie. L’opinion publique est à juste titre émue par les dizaines de milliers de migrants noyés en Méditerranée. Mais ceux-ci ne sont pas de la responsabilité de Frontex qui refoule des immigrants parce que c’est sa fonction.
Ce sont les gouvernements européens qui refusent d’accorder des visas dans leurs représentations en Afrique. Dès lors ceux qui doivent s’enfuir ou qui veulent échapper à la misère voyagent dans la clandestinité, prennent des risques, subventionnent les passeurs. Frontex est une agence intergouvernementale qui applique la politique décidée plus haut.
En fin de compte c’est le corps des gardes-frontières européens dont on ne peut se passer dans l’impasse où l’on se trouve: la préservation de notre mode de vie passe par sa protection qui est déplaisante.