Le 1er novembre dernier, le Conseil fédéral a publié un rapport dans lequel il se dit favorable au principe de la prise en compte des impôts dans le calcul du minimum vital du droit des poursuites. Ce rapport fait suite à un postulat Gutjahr (18.4263), adopté par le Conseil national le 22 mars 2019.
A l’heure actuelle, le débiteur qui fait l’objet d’une saisie est matériellement empêché de s’acquitter de son dû au fisc, de sorte qu’il est souvent condamné à rester perpétuellement aux poursuites. Bien que conscients de cette situation insatisfaisante, les autorités, tout comme le Tribunal fédéral, ont jusqu’alors refusé la prise en compte des impôts courants dans le minimum vital, pour des motifs n’emportant guère la conviction.
Parmi ceux-ci figure le fait que les impôts ne sont pas considérés comme une dépense indispensable, en ce sens qu’elle n’est pas nécessaire à la survie; or le minimum vital vise à préserver l’existence du débiteur et non à prévenir un endettement futur. Il y a toutefois une différence entre prévenir un éventuel endettement futur et le rendre inéluctable de par la conception même du système.
Refuser la prise en compte d’une charge régulière et obligatoire dans le minimum vital apparaît tout à fait contestable.
Sophie Paschoud
De ce point de vue, refuser la prise en compte d’une charge régulière et obligatoire dans le minimum vital apparaît tout à fait contestable. Une telle vision semble en outre quelque peu anachronique à une époque où l’on attend de l’Etat qu’il garantisse à chacun non seulement les moyens de survivre, mais, de surcroît, le droit de «mener une existence digne».
Au cours du deuxième semestre de l’année dernière, le Conseil fédéral a mis en consultation un avant-projet de révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, prévoyant notamment une «procédure de faillite des personnes physiques par assainissement des dettes», combinant les règles de la faillite et celles de la saisie pour les débiteurs durablement insolvables: en plus des biens appartenant au débiteur au moment de l’ouverture de la faillite (masse de la faillite), tous les revenus dépassant le minimum vital seraient prélevés pendant la durée de la procédure et affectés au paiement des créanciers de la faillite.
La procédure, d’une durée de quatre ans, se terminerait par la «libération du solde des dettes» (autrement dit, les dettes restantes seraient annulées). Il est à noter que, dans ce cadre, les impôts courants seraient pris en compte dans le calcul du minimum vital, la procédure d’assainissement devant permettre au débiteur de «prendre un nouveau départ».
Dans sa réponse à la consultation, le Centre patronal a fait savoir qu’il approuvait cette proposition, à la condition toutefois que soit parallèlement introduite la prise en compte des impôts courants dans le calcul du minimum vital lors de saisies ordinaires. Cela permettrait de limiter le nombre de situations où le débiteur est durablement insolvable au point de devoir recourir à la procédure d’assainissement, laquelle consacre une forme de remise de dette forcée de la part des créanciers, ce qui n’est pas tout à fait anodin.
Ainsi, même si le dernier mot doit revenir au Parlement, le rapport du Conseil fédéral publié au mois de novembre est un premier pas réjouissant.