«Créer des images sans la main de l’homme» fut un acte extraordinaire réalisé par Louis Daguerre, l’inventeur d’un dispositif photographique en 1839. Les artistes peintres, dans un premier temps, furent choqués, abattus puis ont initié des mouvements comme l’impressionnisme (1860), le nabisme (1888) et plus tard, le cubisme (1907) pour dépasser la situation créée par la photo. Une invention a libéré la place à d’autres.
Il en est de même aujourd’hui avec ChatGPT qui «crée du texte sans la main de l’homme». Récit.
On a tous, un jour ou l’autre, participé à une séance de «brainstorming» et découvert alors la puissance créatrice du collectif. Le terme d’intelligence collective fut forgé pour désigner ce processus. La créativité est l’affaire d’un «ensemble».
Le 30 novembre 2022, OpenAI lançait ChatGPT ouvrant une nouvelle ère: celle des intelligences artificielles (IA) génératives, c’est-à-dire des logiciels capables de produire de manière autonome du texte, du code, des images, du son, de la vidéo, etc. Si vous avez déjà travaillé avec ChatGPT (ou un autre générateur) vous avez constaté que ce n’est pas tant la vitesse d’exécution qui est frappante mais bien la manière hasardeuse et heureuse avec laquelle l’application compose du texte ou de l’image. L’IA générative est un pur résultat de sérendipité. Du jamais vu.
Essayons de définir un nouveau concept. Si deux entités comme «l’intelligence collective» et «l’IA générative» travaillent ensemble alors on obtient de «l’intelligence cogénérative». C’est une toute nouvelle manière d’inventer, à la manière d’une figure du centaure. Le groupe de réflexion Manufacture Thinking expérimente, dans le cadre de son travail de longue haleine sur la transition digitale, des ateliers de type «intelligence cogénérative» qui associent au travail collectif un outil IA. La qualité créatrice du groupe en a été décuplée.
Une fois cet outil intégré, il devient difficile de s’en passer tant son apport peut être décisif. Inventons le futur!
Xavier Comtesse et Pascal Eichenberger
Demain, les compétences requises iront vers des capacités à maîtriser l’hybridation des connaissances. Citons deux exemples. Le premier, dans le domaine de la production industrielle, une usine statistique (data driving manufacturing de type génératif) s’apprête à voir le jour. Les modèles théoriques s’effacent devant les données. Les différentes étapes de production seront en quelque sorte dictées par le flux de données et le système apprend en fabriquant. Une telle approche pourrait augmenter les performances de fabrication mais aussi être au plus près des souhaits des clients, en ajustant en permanence les paramètres des machines. L’usine «statistique» a été une des propositions finales du groupe de travail sur l’industrie du futur. L’idée de «data driving» a été en partie soufflée par ChatGPT lorsque l’IA a suggéré qu’elle allait jouer un rôle clé dans les usines du futur, complétant l’intuition des industriels réunis autour de la table.
Le second exemple provient d’un atelier organisé sur le futur des métiers. ChatGPT est un excellent outil de synthèse. Il a permis à l’équipe d’observer ses propres contributions en mettant en évidence, en temps réel, trois points discutés au cours de cet atelier très dense: «Demain, les compétences requises iront vers des capacités à maîtriser l’hybridation des connaissances, l’accélération de la production de celle-ci et l’importance de la complexification de l’ensemble.» L’intelligence cogénérative a permis au groupe de résumer en quelques secondes plusieurs heures d’échange. Epatant.
Ces deux exemples montrent des possibilités nouvelles de l’IA contribuant au travail d’équipe. Une fois cet outil intégré, il devient difficile de s’en passer tant son apport peut être décisif. Inventons le futur, cogénérons-le!
