L’informatique a longtemps paru peu problématique. Depuis quelques années, les yeux se dessillent et la nécessité de pouvoir trier, cadrer et orienter se fait fortement sentir. Souvent présenté comme virtuel, le monde de l’informatique est en réalité terriblement matériel. Construire nos outils informatiques est polluant et mobilise de nombreuses substances rares; quant aux équipements usagés, leur gestion est loin d’être satisfaisante.
Même si l’on œuvre à une informatique «verte», on reste encore loin du compte et le taux de recyclage global plafonne à 20%. Plus de 10% de la consommation d’électricité mondiale est le fait de l’informatique. Les émissions de gaz à effet de serre dus à l’informatique atteignent le double de celles de l’aviation civile, se partageant à moitié entre la production des équipements et leur utilisation.
Mais les impacts immatériels sont eux aussi bien réels. Donnant la parole au meilleur et au pire, le net ouvre autant les portes du savoir du monde qu’il répand des contenus agressifs et destructeurs. Assurant à travers l’anonymat une large impunité, il libère les bas instincts, devient plateforme de tous les fantasmes et de la radicalisation des positions. Les messages haineux sur le Net ne sont pas virtuels non plus: la haine en ligne a tué et tue encore; la cybercriminalité, le Darknet, le sexting (le harcèlement à connotation sexuelle sur le Net, qui a conduit déjà à des suicides de victimes, ce qui est dit d’une personne ne s’effaçant pratiquement plus et la poursuivant sur toute la planète) continuent à échapper à une régulation efficace.
L’absorption par un monde virtuel et addictif au lieu d’une interaction avec le monde réel inquiète
René Longet
L’absorption par un monde virtuel et addictif au lieu d’une interaction avec le monde réel inquiète. Pour le neurologue Sébastien Bohler, «nous ne supportons plus les informations trop longues. […] Il n’y a plus de place pour une pensée étayée et développée», qui se réduit à un «tweet» dont l’immédiateté relève à la fois du bon mot et de la condamnation sans appel. Quant à l’intelligence artificielle, elle exige un mode d’emploi assurant que l’humain reste en tout temps maître à bord, et que ces outils restent des aides à la décision et ne les prennent jamais à notre place.
On pourrait encore ajouter d’autres aspects négatifs exigeant un cadrage réglementaire. Ainsi des empires se sont constitués autour de ces technologies, avec leurs rentes de situation et la traçabilité, par un «Big Brother» commercial, militaire ou administratif, de chacune de nos préférences - le modèle d’affaires des grands de l’informatique étant fondé sur la commercialisation de celles-ci. Malgré des tentatives louables aux Etats-Unis et au niveau de l’UE, le rapport de force reste favorable aux propriétaires de ces outils d’intrusion massive dans notre quotidien.
Enfin, qu’arrive le black-out tant redouté, et nous voilà incapables d’honorer nos factures ou de franchir les portes électroniques. Du coup, ce qui apparaissait comme autant de facilités se révèle cause de vulnérabilités considérables.