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Les langues exotiques au service de la compétitivité

SWITZERLAND INC. Le multilinguisme suisse renforce les multinationales suisses. Mais des grands progrès sont envisageables. Par Philippe D. Monnier

"Les élèves devraient aussi pouvoir choisir d’étudier sept ans de japonais, mandarin, russe ou arabe."
Keystone
"Les élèves devraient aussi pouvoir choisir d’étudier sept ans de japonais, mandarin, russe ou arabe."
Philippe D. Monnier
Entrepreneur et administrateur
31 mars 2022, 15h55
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L’organe de promotion économique de Suisse occidentale vient d’annoncer l’implantation de 86 entreprises étrangères en 2021. Bien que de nombreux doutes planent sur la manière de comptabiliser ce chiffre, cette nouvelle a le mérite de confirmer la volonté politique de renforcer la place économique suisse. Parmi les facteurs d’attractivité, le multilinguisme occupe une place non négligeable.

En comparaison internationale, les Suisses sont plutôt bons dans la maîtrise des langues étrangères, même si certains conseillers fédéraux ont encore quelques possibilités d’amélioration. Et malgré le fait que les jeunes sont de plus en plus bilingues: leur langue maternelle plus l’anglais.

Au moins, le niveau suisse est certainement meilleur que celui des Français, Italiens, Espagnols et, évidemment, Américains. Les champions européens sont sans doute les Flamands et les Luxembourgeois. Je dirais même que les écoliers luxembourgeois sont les seuls à apprendre correctement les langues car, dans leurs pays, les matières non-linguistiques (mathématiques, histoire…) sont enseignées dans différentes langues.

Pour les multinationales suisses, l’accès à des employés multilingues – et capables d’apprendre rapidement de nouvelles langues – est un avantage significatif. A titre d’exemple, un cadre suisse en poste au Mexique n’aura besoin que de six mois de cours du soir pour maîtriser la langue locale suffisamment bien pour pouvoir faire du business dans cet idiome. En revanche, dans le cas des langues asiatiques du type japonais ou mandarin, la problématique est infiniment plus corsée. Même avec plusieurs heures assidues et quotidiennes de cours, le niveau atteint après plusieurs années sera complètement insuffisant pour pouvoir mener des négociations commerciales.

En fait, un effort à temps complet pendant au moins cinq ans est nécessaire pour atteindre le niveau requis et, notamment, maîtriser plusieurs milliers d’idéogrammes. Evidemment, aucun employeur n’est prêt à financer un tel investissement.

Durant les études menant à une maturité, je pense que l’ensemble des cours devrait être donné en trois langues successives

Philippe D. Monnier

En Suisse, il est possible de décrocher une maturité fédérale en étudiant sept années de latin voire de grec ancien, deux langues très formatrices. A mon avis, les élèves devraient aussi pouvoir choisir d’étudier sept ans de japonais, mandarin, russe ou arabe. Une fois employés par des sociétés internationales, ils seront très utiles à leurs employeurs, moyennant sans doute plusieurs mois de cours intensifs additionnels. Et j’irais même plus loin: durant les études menant à une maturité, je pense que l’ensemble des cours devrait être donné en trois langues successives.

Par exemple, cinq ans de mathématiques en français, puis cinq ans en allemand et enfin cinq ans en anglais. Ainsi, la Suisse deviendrait championne du monde en langues étrangères.

Récemment, un conseiller d’Etat me faisait part de ses regrets car sa région ne disposait pas des atouts internationaux de Genève. J’ai alors suggéré que son canton bilingue mette en place une telle politique d’apprentissage des langues. Mais ses hauts fonctionnaires m’ont fait comprendre qu’une telle démarche serait de nature à créer des troubles de folie parmi les élèves. A vrai dire, je n’y crois pas une seconde car le trilinguisme n’a rien d’exceptionnel. D’ailleurs, la majorité des Chinois de Malaisie grandissent en apprenant formellement trois langues complètement différentes: le mandarin, le malaisien et l’anglais.