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Les droits politiques ne sont pas un jeu

Un avant-projet de modification constitutionnelle vise à abaisser le droit de vote à 16 ans. Les arguments laissent songeur. Par Sophie Paschoud

«Aussi longtemps qu’on n’est pas légalement apte à contracter des engagements pour soi-même, on ne saurait a fortiori prendre des décisions qui concernent le pays dans son ensemble.»
KEYSTONE
«Aussi longtemps qu’on n’est pas légalement apte à contracter des engagements pour soi-même, on ne saurait a fortiori prendre des décisions qui concernent le pays dans son ensemble.»
Sophie Paschoud
Centre patronal - Juriste
11 novembre 2022, 8h00
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Faisant suite à une initiative parlementaire de la conseillère nationale verte Sibel Arslan, un projet d’abaissement du droit de vote à 16 ans est actuellement en consultation.

On comprend bien l’intérêt des partis à élargir leur base électorale et on se doute, à l’instar de Mme Arslan, qu’un abaissement de l’âge pour voter profiterait davantage aux Verts qu’à l’Union démocratique fédérale. Mais, au-delà de ces petits calculs, rien ne justifie une telle modification.

Le principal argument à l’appui du projet tient au fait que les jeunes seront «fortement concernés, à long terme, par les décisions politiques» prises par le Parlement ou lors de votations, notamment en matière de politique climatique. Certes, mais cela vaut aussi pour les enfants de 10 ans et même pour ceux qui ne sont pas encore nés ni conçus.

En réalité, la question n’est pas de savoir qui est plus spécifiquement, directement, immédiatement et fortement touché par un objet – auquel cas il faudrait définir le cercle des personnes habilitées à voter pour chaque scrutin et interdire à l’extrême-gauche citadine de lancer des initiatives quant aux bonnes pratiques agricoles… ; la question est de savoir à partir de quel moment on est considéré comme ayant la capacité et la maturité nécessaires pour prendre des décisions dont les enjeux dépassent précisément sa sphère personnelle.

Accorder la majorité civique avant la majorité civile est un non-sens

Sophie Paschoud

Ainsi, aussi longtemps qu’on n’est pas légalement apte à contracter des engagements pour soi-même, on ne saurait a fortiori prendre des décisions qui concernent le pays dans son ensemble. Accorder la majorité civique avant la majorité civile est donc un non-sens. Que la Suisse ait déjà connu cette situation par le passé n’y change rien.

Les autres arguments avancés donnent l’impression que le droit de vote est un simple moyen d’expression sans importance, voire un jeu, la politique «sérieuse» émanant exclusivement du rang des élus – d’où le fait, sans doute, qu’ils n’envisagent pas d’abaisser le droit d’éligibilité. Ainsi, «abaisser l’âge du droit de vote […] pourrait donner un nouvel élan à l’éducation civique […]»; Les jeunes pourront «apporter leurs propres idées (référendums, initiatives, votations populaires)»; «Si les jeunes peuvent expérimenter le droit de vote comme une pratique sociale au sein de la famille, la participation aux votations sera plus élevée à moyen long termes». Et d’ajouter que «l’abaissement de la majorité politique n’a pas […] pour effet de nuire à la qualité des décisions démocratiques» ; on ignorait qu’il existait des «décisions démocratiques» de meilleure qualité que d’autres…

Au-delà de la question de principe, ces éléments laissent songeur quant à la vision du système institutionnel qu’ont les promoteurs du projet.