La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a mis en consultation jusqu'au 24 mai dernier un projet qui prévoit, en cas de décès de la mère le jour de l'accouchement ou durant les quatorze semaines qui suivent, d'accorder au père (ou à l'«autre parent») un congé, de quatorze semaines également, ainsi que les allocations pour perte de gain y afférentes, à prendre de manière ininterrompue à compter du jour qui suit le décès. Autrement dit, il s'agit de transférer le congé maternité au parent survivant.
Il devient délicat aujourd'hui de manifester son opposition à des législations visant à venir en aide à des personnes affrontant des situations – très – difficiles; sauf, bien sûr, à aimer être considéré comme un être sans cœur ni âme. Le projet dont il est question n'en est pas moins inopportun.
Il est évident que les parents se trouvant dans de telles situations vivent une épreuve extrêmement douloureuse et potentiellement compliquée sur le plan organisationnel. Il est tout aussi évident que la solution proposée n'est pas de nature à mettre en danger l'économie et les entreprises, dès lors que les cas sont rares. Mais la question n'est pas là.
Il s'agit aussi de s'opposer à la tendance à vouloir réglementer chaque cas particulier
Sophie Paschoud
Sur le principe, on rappellera que la réglementation des rapports de travail doit, pour l'essentiel, relever de la liberté contractuelle et du partenariat social; le législateur ne doit pour sa part régir que les conditions minimales. De façon plus générale, il s'agit aussi de s'opposer à la tendance à vouloir réglementer chaque cas particulier. La loi, par définition générale et abstraite, n'a pas vocation à cela.
La manière dont les gens affrontent les accidents de la vie et le type d'aide dont ils ont besoin diffèrent d'un cas à l'autre, de sorte qu'une solution uniforme n'est pas appropriée pour régler des situations extraordinaires. Le soutien que peuvent apporter les proches, des associations d'entraide, ainsi que l'employeur – ce dernier étant généralement, lui aussi, capable de compassion – sera bien souvent plus précieux et plus utile qu'une nouvelle disposition légale.
En l'occurrence, les difficultés auxquelles est confronté le parent survivant dépend de sa situation personnelle (droit ou non à des prestations pour survivants – d'assurances sociales ou de l'employeur du défunt –, solutions de garde à court terme, horaires de travail libres ou flexibles, etc.). A un congé de quatorze semaines à prendre de manière ininterrompue, certains préféreront des allégements d'horaire ou un congé plus court mais rémunéré à 100%, ou encore toute autre solution sur mesure dont ils pourraient convenir avec leur employeur.
Le recours à la législation n'est pas toujours la meilleure option.