En décembre dernier le conseil fédéral proposait d’introduire les actions collectives et une possibilité de transactions collectives dans le cadre de litiges avec des entreprises. La Commission des affaires juridiques du national en délibère ces prochaines semaines. Le but? Permettre à des consommateurs ayant subi un dommage similaire causé par une même entreprise, d'engager collectivement une action par le biais d’une organisation qui les représente.
S’il est légitime de réévaluer, voire améliorer nos règles en matière civile – notamment dans l’accès à la justice – abaisser «les obstacles» aux actions en dommages et intérêts comme le propose Berne, recèle d’un potentiel d’abus considérable.
Alors que le projet prévoit que les actions collectives puissent être mises en œuvre de manière intersectorielle et donc disponibles dans tous les domaines du droit, une analyse plus approfondie nous permet vite de nous rendre compte que la dernière mouture du projet pose des conditions revues à la baisse par rapport à l’avant-projet.
Contrairement au droit en vigueur, il est prévu d’abandonner la condition selon laquelle, seules les organisations «d’importance nationale ou régionale» puissent déposer plainte en Suisse et de renoncer aux conditions additionnelles relatives à l’habilitation ou la qualification des associations et organisations légitimées.
En outre, et à la différence de ce qui peut se passer dans d’autres pays européens, aucune procédure et aucun registre de reconnaissance ne semblent être prévu pour les associations étrangères qui porteraient plainte en Suisse. C’est sans compter le fait que la Suisse ne dispose pas de réglementation spécifique sur le financement des procès… en somme, tous les ingrédients semblent réunis pour ouvrir grand la porte à une industrie internationale du litige qui lorgne sur le potentiel du marché de la plainte en Suisse.
Les entreprises craignant pour leur réputation seraient mises sous forte pression pour conclure un arrangement financier avec les plaignants
Arnaud Midez
En tant que pays riche, nous nous retrouverions sous le feu des projecteurs d’une industrie des actions collectives avide et active dans le chantage à la transaction. A travers ce mécanisme et afin d’éviter de longues procédures judiciaires, les entreprises craignant pour leur réputation seraient mises sous forte pression pour conclure un arrangement financier avec les plaignants.
Et le plus inquiétant est que le Conseil fédéral propose des transactions collectives selon le modèle dit «opt-out»: tous les consommateurs «lésés» percevraient une indemnisation, et ce indépendamment du fait qu’il ait ou non décidé de prendre une part active à la procédure.
De telles dérives nous conduiraient dangereusement aux excès des «class actions» américaines ou, plus près de nous, à la situation des Pays-Bas. Dans ces deux pays, le coût des actions collectives (dommages-intérêts compris) avoisine 1% à 2% du PIB chaque année. Si un tel projet voyait le jour, n’importe quelle entreprise serait confrontée à des risques majeurs en matière de responsabilité, ce qui en définitive se répercuterait sur les prix payés par les consommateurs. Les faits parlent d’eux-mêmes: les actions collectives «light» n’existent pas! Alors que le Parlement débat encore de mesures visant à faciliter l’accès à la justice, nous devons absolument nous prémunir contre toute mesure extrême et périlleuse.