Il fut un temps où il était encore possible de penser que la politique monétaire et le changement climatique étaient deux choses séparées. Ce temps est révolu. 75 banques centrales se sont réunies, y compris la Réserve fédérale des Etats-Unis et la Banque nationale suisse, à travers le Réseau pour le verdissement du système financier (Network for greening the financial system – NGFS).
Les banques centrales ont deux rôles principaux: veiller à la stabilité du niveau des prix et à celle du système financier. Normalement cela doit notamment se faire dans un contexte de neutralité concernant l’impact de ses actions sur les marchés financiers. Ce principe se confronte actuellement à la variable climat.
Le Parlement européen a adopté le 10 février 2021 une résolution concernant la Banque centrale européenne (BCE) qui doit désormais aligner l’encadrement des titres acceptés en collatéral de risques liés au climat et divulguer sa position par rapport aux buts exprimés dans l’Accord de Paris. En outre, la BCE devra examiner la cohérence du système bancaire sur ces points et mener une politique proactive de gestion des risques systémiques en intégrant ceux que posent le climat.
L’application du concept de neutralité peut être débattu. Le président de la Bundesbank en Allemagne, Jens Weidmann, par exemple, estime que la BCE doit éviter de pénaliser ou promouvoir certaines industries et que ce n’est pas son rôle d’interférer avec l’action politique. D’autres soulignent que la BCE (l’Eurosystème) a, en outre des fonctions mentionnées ci-dessus, le devoir de soutenir la politique économique générale de l’Union en vue de réaliser ses objectifs.
Le changement climatique représente une source majeure de risque systémique, quoiqu’hétérogène.
Le débat sera sans doute éclairé par la BCE elle-même qui effectue cette année un stress test couvrant quelques 4 millions d’entreprises et 2000 banques et les risques climatiques auxquels elles feront face dans les 30 ans à venir. Un effort sans précédent.
Les résultats préliminaires permettent déjà de conclure que le changement climatique représente une source majeure de risque systémique, quoiqu’hétérogène.
Dans la deuxième phase, la richesse des données dont dispose la BCE lui permettra d’étudier les interactions dynamiques entre différents risques et leurs effets sur la solvabilité des entreprises, la vulnérabilité des banques, et l’activité dans l’économie réelle. Il semble inévitable que cet exercice confirmera que l’époque où les fonctions publiques pouvaient effectuer leurs tâches d’une manière séparée et en silos touche à sa fin.