Travailler quatre jours au lieu de cinq? C’est ce que demande une motion parlementaire fédérale. En principe, c’est possible, ça s’appelle un 80%, dont la conséquence est une baisse logique de salaire.
Deux autres propositions sont actuellement en discussion: travailler le même nombre d’heures en quatre jours au lieu de cinq. L’avantage, c’est de ne pas voir son salaire baisser. L’inconvénient, c’est de devoir condenser les activités sur un nombre d’heures plus élevé par jour, ce qui ne correspond pas à tout le monde en termes de capacité de concentration, de pression et d’organisation, notamment familiale.
Certaines entreprises proposent déjà de travailler quatre jours et demi au lieu de cinq; il semble plus gérable de ne compresser «que» quatre heures sur le reste de la semaine au lieu de huit. Dernière option, défendue par les motionnaires: travailler quatre jours, comme dans un 80%, avec un salaire à 100%. C’est ce qu’on appelle un cadeau. On peine à comprendre à quel titre il serait octroyé.
Il est intéressant de considérer la France, qui a mis en place en place les 35 heures il y a vingt ans. Le bilan est pour le moins mitigé, surtout s’agissant d’une promesse qui était à l’époque de réduire le chômage grâce à ce mécanisme, vu à l’origine comme un partage du travail. De ce point de vue, c’est un échec. Il en va de même de la réduction effective du temps de travail, les Français travaillant de facto en moyenne 39 heures par semaine, ce qui induit des problèmes de compensation difficiles à gérer.
Vouloir réduire le nombre de jours travaillés ne fonctionne qu’à la condition que la productivité ne s’en trouve pas affectée. Il est illusoire de penser que toute personne, à tout poste, pourra augmenter sa productivité de 20%. Décider de réduire le temps de travail ou d’allonger la durée de travail quotidien ne peut se faire sans concertation avec les secteurs concernés. L’exemple de la médecine est parlant. La loi sur le travail prévoit que le temps plein pour un médecin est de 50 heures par semaine. Baisser ces heures à 32 ou 35 entraînerait la nécessité d’engager davantage de médecins. Outre la difficulté budgétaire, c’est une gageure, dans une branche qui souffre d’une pénurie endémique de personnel qualifié.
Que demandent les travailleurs? Pas forcément de travailler moins – même si l’augmentation du temps partiel montre une tendance dans ce sens, rendue notamment possible par le haut niveau des salaires en Suisse – mais de travailler mieux, grâce à des horaires plus souples. Le travail annualisé, les horaires débloqués, le télétravail, le temps partiel, la semaine de 4,5 jours, sont autant de moyens pour s’organiser de façon plus harmonieuse.
Soyons à leur écoute pour faire évoluer les conditions de travail avant de s’engager dans une voie irréaliste. En effet, rien qu’à Genève, il manque aujourd’hui 150.000 personnes pour occuper les postes de travail. Une baisse de 20% d’occupation engendrerait un besoin accru de 30.000 travailleurs. En ces temps de pénurie de main-d’œuvre, c’est tout simplement inenvisageable.